Question écrite de M. MÉRILLOU Serge sénateur (Dordogne - SER) :
M. Serge Mérillou attire l'attention de M. le secrétaire d'État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la mer et de la biodiversité sur les conséquences de la prolifération du grand cormoran pour les populations de poissons des cours d'eau et des plans d'eau de Dordogne.
Le grand cormoran, dont le régime alimentaire est piscivore, est une espèce autochtone protégée au niveau national depuis les années 1970. Les effectifs étaient alors très faibles (environ 15 000). Ils ont augmenté jusqu'aux années 2010 où ils se sont stabilisés autour de 100 000. Ces dernières années, le cormoran ne cesse de proliférer en France.
Afin de contrôler l'impact que le grand cormoran occasionne sur les poissons, un système dérogatoire à la protection stricte permet de mener des opérations de destruction. C'est l'arrêté ministériel cadre du 26 novembre 2010 qui fixe les conditions et limites dans lesquelles les dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées. Il est complété par un arrêté pris tous les 3 ans, qui fixe les plafonds départementaux dans les limites desquelles les dérogations peuvent être accordées.
L'arrêté, couvrant la période 2022/2025, a été publié le 1er octobre 2022. Il exclut les cours d'eau et les plans d'eau des dérogations possibles aux interdictions de destruction. Les seules dérogations accordées concernent la protection des piscicultures, dans 58 départements.
En Dordogne, d'après la fédération départementale de la pêche, les effectifs de cormorans semblaient s'être stabilisés autour de 1 500 individus jusqu'au début des années 2000. Depuis l'interdiction des tirs de régulations en rivière, leur nombre a fortement augmenté, la population de cormorans du département étant évaluée à 3 000 individus pour l'hiver 2023-2024. Avec une consommation journalière de poissons d'un cormoran hivernant estimée à 425 g par jour et par oiseau, la prédation hivernale sur une période de 6 mois est de 229 500 kg de poissons. L'impact de ce prélèvement sur les populations de poissons des cours d'eau et des plans d'eau de Dordogne peut donc être considéré comme extrêmement conséquent.
Les conséquences pour la filière piscicole sont également alarmantes. Le plafond départemental des dérogations à l'interdiction de destruction de grands cormorans pouvant être accordées est très insuffisant, avec seulement 100 individus par an.
La perte de chiffre d'affaires due au déficit de production, calculée pour l'année 2018, varie de 2 700 à 4 000 euros par hectare selon les exploitants laissant un résultat brut d'environ 1 500 euros /ha. Avec un total de charges de production dépassant les 1 000 euros/ha, il en résulte une très faible marge bénéficiaire. Ce phénomène s'est encore accentué en 2024, ce qui pourrait rapidement causer la mise en faillite de nombreuses entreprises d'aquaculture.
Au regard de ces éléments, de l'importance des dégâts causés par le grand cormoran sur la faune piscicole, les tirs de régulation à l'échelle du territoire métropolitain sont indispensables au maintien de la diversité et de la densité des peuplements de poissons sans que cela ne porte préjudice à la dynamique des populations du grand cormoran.
Aussi, il lui demande d'autoriser à nouveau la régulation de la population du grand cormoran.
Question orale de M. CHAIZE Patrick sénateur (Ain - Les Républicains):
M. Patrick Chaize appelle l'attention de Mme la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques sur l'arrêté cadre fixant les conditions et limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de perturbation intentionnelle et de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant les grands cormorans.
Dans l'Ain, les étangs de la Dombes forment un ensemble unique qui associe la production piscicole à une biodiversité singulière. Ainsi, la filière piscicole est une activité emblématique du territoire qui s'inscrit dans la préservation du patrimoine naturel.
A la lecture du projet d'arrêté ministériel mis en consultation, relatif à la gestion des populations de cormorans, les professionnels Aindinois de la pisciculture constatent avec amertume qu'il n'a pas été tenu compte des discussions qui se sont tenues sur le contenu dudit projet. Aussi, les modifications qui sont aujourd'hui envisagées marqueraient un retour en arrière important, annihileraient le travail fructueux qui a été engagé pour le territoire et menaceraient l'équilibre de l'écosystème local.
L'adoption en l'état de l'arrêté serait notamment en totale contradiction avec la note stratégique de fin 2023 du Haut-commissariat au plan qui présente le développement de l'aquaculture comme un enjeu de souveraineté alimentaire.
Dans ce contexte, il lui demande si elle entend reconsidérer le projet d'arrêté en reprenant des discussions constructives avec les acteurs de la pisciculture extensive en étang continental, qui ont à coeur d'assurer une production qualitative tout en préservant la biodiversité associée aux milieux.
Question écrite de Julien Guibert député de la Nièvre (2e circonscription) - Rassemblement National :
M. Julien Guibert attire l'attention de Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur la régulation des cormorans, enjeu majeur pour les pisciculteurs, les propriétaires et gestionnaires d'étangs. Par une décision en date du 8 juillet 2024, le Conseil d'État a annulé l'arrêté ministériel du 19 septembre 2022 fixant les plafonds départementaux de prélèvement des cormorans, au motif d'une irrégularité dans la procédure, notamment l'absence d'un quota pour le département du Doubs. Cette annulation constitue une problématique pressante pour les pisciculteurs et les gestionnaires d'étangs, particulièrement affectés par les dommages causés par les cormorans. Ces oiseaux, protégés par la directive européenne Oiseaux mais dont les effectifs ont fortement augmenté ces dernières années, représentent une menace directe pour les populations piscicoles dans les cours d'eau et les étangs de pisciculture. Ils perturbent non seulement l'équilibre écologique des milieux aquatiques, mais fragilisent également l'économie de nombreuses exploitations piscicoles déjà confrontées à des difficultés croissantes. L'absence actuelle d'arrêté régulant les plafonds de prélèvement des cormorans crée un vide juridique qui laisse ces professionnels sans solution face aux préjudices subis. Dès lors, il est impératif que le Gouvernement prenne les mesures nécessaires pour remédier à cette situation dans les délais les plus brefs. Il lui demande donc si elle va prendre rapidement un nouvel arrêté conforme aux exigences formulées par le Conseil d'État, incluant notamment un quota pour le département du Doubs, afin d'assurer la protection des activités piscicoles et la pérennité des exploitations concernées.
Question écrite de Caroline Colombier députée de la Charente (3e circonscription) - Rassemblement National
Mme Caroline Colombier appelle l'attention de Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur la menace croissante que représentent les cormorans pour les pisciculteurs et la vie marine. Représentant à eux seuls 90 % de la prédation aviaire, la population de cormorans, autrefois menacée puis protégée à partir de 1979 par l'Union européenne, est passé de 15 000 individus en 1983 à 110 000 en 2024, soit une multiplication par dix. Ces prédateurs redoutables, chassant en groupes de quinze à trente, sont capables de consommer jusqu'à 500 grammes de poissons par jour, ce qui équivaut à un prélèvement quotidien d'environ 2,9 tonnes en France. Cet oiseau migrateur a un effet dévastateur croissant sur la production des pisciculteurs, exacerbé par sa plus grande sédentarisation à mesure qu'il est surprotégé. Cette situation se traduit par des pertes financières considérables pour une filière importante, participant activement à la préservation de la biodiversité, au stockage de l'eau, à l'économie rurale et à la souveraineté alimentaire, atteignant entre 50 000 et 55 000 euros par an et par exploitation, soit les trois-quarts de la production moyenne estimée. Malgré des préjudices importants, les exploitants ne peuvent réclamer d'indemnisation au même titre que les agriculteurs et les éleveurs de bêtes prévue respectivement à l'article L. 426-1 du code de l'environnement ainsi que par le décret relatif à l'indemnisation des dommages causés aux troupeaux domestiques par le loup, l'ours et le lynx (n° 2019-722 du 9 juillet 2019). Peu d'entreprises pourraient survivre dans ces conditions. Cette situation se traduit également par une mise en danger des équilibres écologiques locaux. En effet, malgré l'annulation d'une quinzaine d'arrêtés autorisant un quota spécifique de destruction du cormoran par département, les pisciculteurs et les acteurs de la protection de la vie marine continuent inlassablement de mettre en exergue la menace que représentent ces oiseaux. Des mesures privées de protection ont été mises en place ces dernières années par l'installation de cages-refuges immergées, dont l'efficacité a été démontrée par plusieurs études, notamment dans le cas du lac du Der dans la région Grand Est. Ces dispositifs ont permis une réduction significative de la prédation des poissons par les cormorans. Outre l'impérieuse nécessité d'élargir les quotas insuffisants de tirs et les zones de prélèvement, ainsi que de réautoriser la chasse en eaux libres, il apparaît essentiel de soutenir cette initiative. En effet, il serait bon que l'État contribue financièrement à l'installation de ces refuges, a fortiori dans un contexte de grande précarité des pisciculteurs, et à la prise en charge de la protection des installations face aux dégâts non indemnisés de ces animaux res nullius non régulés. Aussi, afin de protéger au mieux le patrimoine marin et les étangs, elle lui demande quelles mesures sont envisagées pour contrer la menace croissante que font peser les cormorans sur l'équilibre écologique et sur la filière piscicole. Elle lui demande également si elle envisage d'intervenir dans la reconnaissance et l'indemnisation du préjudice que les professionnels de la filière ont subi, dans un souci de juste égalité, mais aussi dans le soutien financier à la fabrication et à l'installation des cages-refuges. Enfin, elle lui demande si une révision des quotas de prélèvement des cormorans est envisagée, compte tenu des récentes décisions judiciaires limitant leur régulation, afin de protéger les élevages de poissons en France.
Question écrite de Matthias Renault député de la Somme (3e circonscription) - Rassemblement National :
M. Matthias Renault interroge Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche sur l'absence de publication de l'arrêté ministériel relatif à la régulation du grand cormoran en eaux libres, conformément à la décision du Conseil d'État du 8 juillet 2024. Par cette décision, le Conseil d'État a partiellement annulé l'arrêté du 19 septembre 2022, qui interdisait la régulation du grand cormoran en eaux libres. Il a notamment considéré que si cette espèce n'était pas la cause principale du déclin de certaines espèces piscicoles vulnérables, telles que l'ombre commun, le brochet commun ou l'anguille européenne, sa prédation pouvait néanmoins, dans certains contextes, aggraver leur état de conservation. En conséquence, le juge administratif a enjoint le Gouvernement de prendre un arrêté modificatif dans un délai de quatre mois, afin de fixer des plafonds départementaux de destruction de grands cormorans en eaux libres pour la période 2022-2025. Ce délai est désormais écoulé depuis plusieurs semaines et pourtant aucun arrêté n'a été publié à ce jour. Cette situation préoccupe les acteurs de la pêche et de la protection des milieux aquatiques, qui alertent sur l'impact du retard pris dans l'application de cette décision. L'absence de régulation en eaux libres fragilise davantage des espèces déjà menacées et compromet l'équilibre des écosystèmes concernés. Aussi, il lui demande de préciser les raisons de ce retard et d'indiquer à quelle date l'arrêté modificatif sera publié, afin d'assurer la mise en œuvre effective de la décision du Conseil d'État et de répondre aux enjeux de préservation des espèces piscicoles vulnérables.
Question écrite de Sylvie Dezarnaud députée de l'Isère (7e circonscription) - Droite Républicaine :
Mme Sylvie Dezarnaud attire l'attention de Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche sur les impacts du projet d'arrêté fixant les conditions et limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant les grands cormorans, notamment sur l'économie piscicole et la biodiversité locale, particulièrement dans le département de l'Isère. Ce territoire, qui abrite près de 4 000 hectares d'étangs, une des plus importantes concentrations en France, joue un rôle crucial dans le développement économique rural et le maintien d'une biodiversité riche. La filière piscicole y représente plusieurs centaines d'emplois directs et indirects, principalement dans les zones rurales. En outre, ces étangs contribuent à la régulation des écosystèmes, par exemple via la captation de carbone et la préservation de nombreuses espèces aquatiques et aviaires. Toutefois, le projet d'arrêté dans sa version actuelle soulève de vives inquiétudes. Premièrement, l'exigence de preuves scientifiques démontrant des « dommages et impacts avérés » liés au grand cormoran représente une charge disproportionnée pour les pisciculteurs, tant sur le plan financier que logistique. Deuxièmement, il est crucial de revoir les délais et modalités imposés aux exploitants, notamment l'obligation de transmettre les comptes-rendus de destruction sous 24 heures, qui paraît irréaliste et administrativement lourde. Une fréquence semestrielle semble plus adaptée. Par ailleurs, Mme la députée s'interroge sur le calcul des plafonds de destruction, qui nécessiterait une clarification des critères, incluant les types de recensements (nicheurs, hivernants ou les deux). Il convient également de s'assurer que ces plafonds ne soient pas appliqués de manière injustifiée à d'autres contextes que les cours d'eau. De plus, l'élargissement de la période autorisée pour la protection des poissons à l'ensemble de l'année apparaît essentiel, étant donné la présence continue des cormorans sur les territoires concernés. Enfin, les dispositions relatives à l'effarouchement et au dérangement d'espèces périphériques nécessitent d'être revues afin d'éviter d'introduire des contraintes supplémentaires non discutées avec les parties prenantes initiales. En conséquence, elle lui demande quelles mesures elle entend prendre pour alléger les contraintes administratives pesant sur les pisciculteurs, notamment en révisant les obligations de transmission des comptes-rendus et les preuves scientifiques exigées, préciser les critères de calcul des plafonds de destruction et leur champ d'application, revoir la période autorisée de protection des poissons pour mieux correspondre aux réalités locales, réexaminer les dispositions relatives aux effarouchements et dérangements d'espèces périphériques. Enfin, elle souhaite savoir si elle est disposée à reporter l'adoption de cet arrêté afin de permettre une reprise des discussions avec les parties prenantes concernées et à intégrer pleinement les spécificités locales de territoires comme l'Isère, modèle de gestion durable des ressources naturelles.
Question écrite de Daniel Grenon député de l'Yonne (1re circonscription) - Non inscrit :
M. Daniel Grenon alerte Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche sur l'impact préoccupant de la prolifération des cormorans sur la filière piscicole. Autrefois menacée, cette espèce a vu sa population croître de manière exponentielle ces dernières décennies, exerçant une pression de plus en plus forte sur les ressources piscicoles. En raison de leur mode de chasse en groupe et de leurs besoins alimentaires élevés, ces oiseaux provoquent des pertes importantes pour les exploitations piscicoles, mettant en péril leur équilibre économique et menaçant la biodiversité des milieux aquatiques. Malgré cette situation, la régulation de l'espèce demeure limitée par des obstacles administratifs et juridiques. Plusieurs arrêtés ministériels fixant des quotas de prélèvement ont récemment été annulés, créant un vide juridique qui laisse les pisciculteurs sans solution face aux dommages causés. Par ailleurs, les contraintes imposées aux professionnels du secteur, notamment l'obligation de démontrer scientifiquement les impacts des cormorans ou de respecter des délais administratifs contraignants pour la transmission des rapports de destruction, compliquent encore davantage leur activité. Face à ces enjeux, il est impératif que le Gouvernement prenne des mesures concrètes pour permettre une gestion équilibrée de la population de cormorans et protéger la filière piscicole. Pour toutes ces raisons, il lui demande si le Gouvernement entend mettre en place des mesures concrètes pour les modalités de régulation de ces oiseaux, alléger les contraintes administratives pesant sur les pisciculteurs et reconnaître et indemniser les préjudices subis.