Article 4 ter
M. le président. Je suis saisi de six amendements identiques, nos 180, 577, 821, 1104, 1193 et 1238, qui visent à supprimer l’article et sur lesquels je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Jean-Marie Sermier, pour soutenir l’amendement no 180.
M. Jean-Marie Sermier. Il s’inscrit dans le débat que nous avions tout à l’heure car il vise à supprimer l’article 4 ter étendant aux animaux sauvages la répression pénale des sévices graves et actes de cruauté envers les animaux actuellement prévus par le code pénal. À l’issue du débat que nous avons eu, il nous semble nécessaire de rejeter cet article afin que le texte ne soit pas un fourre-tout. Nous débattons de la biodiversité, pas de l’amélioration du code pénal au sujet des sévices envers les animaux.
M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement no 577.
M. Philippe Meunier. Tout à l’heure, au motif qu’il s’agit d’animaux sauvages, Mme la rapporteure voulait faire condamner les automobilistes qui fracassent les mouches sur leur pare-brise et, pour complicité, les droguistes ayant vendu des tapettes grâce auxquelles on supprime les souris qui nous embêtent quotidiennement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) L’article 4 ter le permet et c’est pourquoi cet amendement vise à le supprimer, car il s’agit en fait d’un article s’attaquant à la chasse et à la régulation des espèces nuisibles.
Il est temps de se ressaisir et de reprendre contact avec la terre, le pays et le réel : n’ignorons pas le quotidien de ceux qui vivent sur ces territoires !
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Caullet, pour soutenir l’amendement identique no 821.
M. Jean-Yves Caullet. Il est défendu.
M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement identique no 1104.
M. André Chassaigne. Cet amendement ne concerne pas seulement la chasse. J’ai la chance d’avoir un collaborateur parlementaire qui est pêcheur. Nous nous interrogeons dans l’exposé sommaire : la capture d’une truite à l’aide d’un hameçon triple pourra-t-elle demain être considérée comme un sévice grave entraînant la condamnation potentielle du pêcheur ? Cet exemple suffit à montrer jusqu’où l’on serait susceptible d’aller et quels contentieux pourraient naître de cet article 4 ter.
M. Philippe Meunier. Bien sûr ! C’est du délire !
M. le président. La parole est à M. Jacques Krabal, pour soutenir l’amendement identique no 1193.
M. Jacques Krabal. Il est défendu pour les mêmes raisons, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement identique no 1238.
M. Dino Cinieri. Que nous soyons chasseurs ou pêcheurs, de droite ou de gauche, il me semble que nous pouvons tous nous retrouver pour voter la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements de suppression ?
Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Je ne me fais guère d’illusions sur le sort de cet article qui avait été adopté en commission. Heureusement pour certains des parlementaires présents dans cet hémicycle, le ridicule ne tue pas. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP.) Reconnaître un degré de sensibilité à l’animal est une vraie valeur de générosité – que nous pouvons me semble-t-il porter. Tous les pays européens l’ont fait. Pour des raisons que je ne m’explique toujours pas, la France est restée en marge de ces évolutions, qui découlent des avancées de la recherche scientifique.
Permettez-moi de vous rappeler que la loi Nungesser de 1976 punit le fait de « commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé ou tenu en captivité. » Le même animal – chien, chat – qui s’échappe de chez vous, n’étant plus en captivité, devient sauvage. Dès lors, il n’est plus sensible aux termes de la loi. Voyez ce qui s’est passé à Nantes, où les ragondins ont été peinturlurés, accrochés à des grillages et traités d’une façon honteuse lors des manifestations agricoles : dans ce cas-là, on a le droit de le faire ! Pardonnez-moi, mais votre vision des choses est limitée. L’animal est un être sensible, qu’il soit sauvage ou domestique, apprivoisé ou non. C’est une avancée de nos sociétés, qui demandent à ce que cet animal soit reconnu comme sensible.
Au demeurant, cette reconnaissance ne vous enlève rien. Vous continuez à manger de la viande, qu’il s’agisse de mouton, de bœuf ou de poulet. Pourtant, ces animaux sont aujourd’hui considérés comme sensibles, parce que ce sont des animaux domestiques. Cela n’a jamais empêché d’en consommer ni de les tuer !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre. La lutte contre la cruauté envers les animaux est un vrai sujet de préoccupation ; la reconnaissance de la sensibilité des animaux aussi. Je suis d’ailleurs intervenue récemment pour réprimer le braconnage, notamment pour interdire le commerce de l’ivoire sur le territoire français.
Notre législation porte déjà cette préoccupation. Sont ainsi interdites certaines pratiques ou méthodes ; s’agissant des activités de chasse et de pêche, le code de l’environnement prohibe certains moyens, engins ou instruments et en réprime l’usage, par exemple dans ses articles L. 428-4 et L. 428-5.
Des textes réglementaires nombreux et précis encadrent par ailleurs les conditions de détention, d’élevage, de transport et d’abattage, de telle sorte que leur strict respect permet d’écarter l’incrimination pour acte de cruauté ou sévices graves. Je tiens à saluer la mobilisation des associations et des parlementaires comme Geneviève Gaillard et Laurence Abeille, qui contribuent à faire évoluer la situation sur ce plan et nous permettent d’avoir ce débat dans l’hémicycle.
Il n’en faut pas moins reconnaître que cet article pose problème. En faisant de toute destruction – intentionnelle ou non – d’un animal sauvage un acte de cruauté, il remet en effet en cause la chasse, la pêche, de même que toute opération scientifique ou de régulation administrative mise en œuvre conformément à la réglementation qui la régit. Il ferait donc naître de nombreux contentieux – militants certes, mais nombreux – tant pour la chasse que pour la pêche.
Notre législation agit déjà contre la cruauté envers les animaux, y compris les animaux sauvages – il n’est pas exact de dire que la loi est muette sur le sujet. Tel qu’il est rédigé, il est en outre certain que cet article entraînerait à terme des contentieux sur tous les actes de chasse ou de pêche. La durée des souffrances endurée par l’animal pourrait ainsi être portée devant les tribunaux ; le chasseur devrait démontrer qu’il a – ou non – tué l’animal assez rapidement pour déterminer s’il lui a volontairement fait endurer une souffrance. L’article ne peut donc être accepté en l’état, et le Gouvernement est par conséquent favorable à sa suppression.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Abeille.
Mme Laurence Abeille. C’est une grande déception de voir mettre à bas les avancées que nous avions pu obtenir en commission sur ce sujet – comme sur d’autres, d’ailleurs. La question avait pourtant sa place dans la loi sur la biodiversité : les animaux font partie de notre environnement. Il existe aujourd’hui une demande sociétale pour la prise en considération des animaux, quels qu’ils soient. Les animaux domestiques ont un statut ; le code pénal punit leur maltraitance. Ce n’est pas le cas pour les animaux sauvages.
Vous nous dites que nous voulons interdire la chasse. Ce n’est pas le propos de cet article, qui ne vise qu’à protéger de la même façon l’animal que l’on a chez soi et celui qui s’en échappe, qui peut aujourd’hui être maltraité en toute impunité dès lors qu’il est considéré comme un animal sauvage.
Le débat ne va malheureusement pas se clore comme nous l’aurions souhaité, Geneviève Gaillard et moi-même, mais aussi tous ceux qui partagent cette conviction, qui est également celle d’un certain nombre d’associations et de nombreux citoyens, qui ne comprennent pas que l’on continue à considérer le monde animal comme on le fait dans notre pays, alors que d’autres législations ont su évoluer.
Je regrette profondément la position d’un certain nombre de nos collègues et du Gouvernement. Le texte issu de la commission était à bien des égards remarquable. Malheureusement, nous sommes en train de régresser.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Caullet.
M. Jean-Yves Caullet. Je ne fais de procès d’intention à personne, mais je ne voudrais pas que l’on prétende que les auteurs de cet amendement avaient exclusivement en tête la pêche ou la chasse. La prudence veut cependant que nous mesurions bien les conséquences des dispositions que nous adoptons. Je ne voudrais pas non plus que l’on pense que ceux qui n’approuvent pas cet article sont disposés à supporter que des hordes de sadiques pourchassent les animaux dans notre pays.
Permettez-moi de vous donner un exemple. Lorsqu’on pêche, on prélève un animal sur le milieu naturel, en principe pour le consommer. Quand l’espèce est considérée comme méritant certains égards, certains pêcheurs utilisent des hameçons particuliers afin de pouvoir relâcher leur proie sans dommage – ce qui est bon pour la biodiversité. Mais la souffrance de la capture – qui est bien réelle, des études ont été faites sur ce point –, a déjà été jugée par un certain nombre d’associations comme totalement inutile, puisque le poisson est relâché.
Encore une fois, je ne fais pas de procès d’intention aux collègues qui sont à l’origine de l’adoption de cet article. Je ne voudrais donc pas que l’on en fasse à ceux qui disent qu’il faut certes prendre en compte la sensibilité des animaux, mais que le remède ne doit pas comporter autant d’inconvénients que le mal qu’on prétend guérir. Nous pouvons me semble-t-il en convenir. Vous verrez qu’un jour, certaines contraintes imposées aux animaux domestiques finiront par être considérées comme tout à fait inacceptables. Mais nous risquerions alors des problèmes de voisinage…
M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier.
M. Guillaume Chevrollier. Cet article 4 ter entend étendre aux animaux sauvages la répression pénale des sévices graves et actes de cruauté envers les animaux prévue par le code pénal. Je partage bien sûr le souhait de nos collègues de protéger les animaux, mais il faut savoir y apporter des limites. Or, cet article va créer une nouvelle insécurité juridique. Où, en effet, placer la limite dans le critère de la cruauté ?
Cette intervention me permet de vous alerter sur les dangers que présentent en ce qui concerne les animaux plusieurs articles du texte, mais aussi de vous rappeler une mesure prise par le Gouvernement pour satisfaire la majorité plurielle : vous avez récemment modifié le statut de l’animal, en lui reconnaissant dans le code civil la qualité d’être vivant doué de sensibilité, créant ainsi une légitime inquiétude chez les éleveurs. Permettez-moi de relayer l’inquiétude des agriculteurs devant ces changements continuels de la législation. Je suis pour ma part favorable à la suppression de cet article.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 180, 577, 821, 1104, 1193 et 1238.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 24
Nombre de suffrages exprimés 21
Majorité absolue 11
Pour l’adoption 15
contre 6
(Les amendements identiques nos 180, 577, 821, 1104, 1193 et 1238 sont adoptés et l’article 4 ter est supprimé.)
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