Faut-il autoriser l’abattage du loup ? demande Politis le 27 septembre 2012 :
« Bien que l’on ne compte guère plus de deux cents individus en France, le loup fait l’objet d’affrontements entre écologistes et éleveurs. Pour Pierre Athanaze, il n’est qu’un bouc émissaire. Pour José Bové, tirer sur l’animal est un réflexe d’autodéfense de l’éleveur. »
Ci-dessous l'intégralité de l'article publié par l’hebdomadaire Politis sur la question :
Loup : Politis organise le débat
Faut-il autoriser l’abattage du loup ? demande Politis le 27 septembre 2012 :
« Bien que l’on ne compte guère plus de deux cents individus en France, le loup fait l’objet d’affrontements entre écologistes et éleveurs. Pour Pierre Athanaze, il n’est qu’un bouc émissaire. Pour José Bové, tirer sur l’animal est un réflexe d’autodéfense de l’éleveur. »
Ci-dessous le texte de José Bové publié par l’hebdomadaire sur la question :
« Quand je dis que si je vois un loup s’approcher de mes brebis, je tire, je raisonne comme l’éleveur d’un troupeau de 150 bêtes que j’ai été pendant une quarantaine d’années. Je ne vois pas pourquoi je laisserais un loup s’attaquer à mon troupeau, à mon gagne-pain ! Je ne suis pas contre les loups, mais je suis d’abord paysan et éleveur. Je ne reproche à personne de vouloir sauver les loups, mais que les gens ne me reprochent pas de vouloir sauver mes brebis. Nous sommes aujourd’hui dans cette situation particulière d’antagonisme, de conflit par rapport aux loups parce ce que nous vivons une désertification qui s’accentue partout chaque année. ! Je ne vais pas prétendre que certaines pratiques d’élevage ne sont pas critiquables. Car si un éleveur laisse 500 ou 1 000 brebis gambader toutes seules dans la montagne et qu’il se contente d’aller leur rendre visite de temps en temps, cela peut entraîner de gros risques. Mais, le berger, dans un système qui ne nourrit plus son homme, il est tout seul, il n’a pas de personnel.
La principale menace pesant sur le troupeau n’est pas tellement le loup mais le ministre de l’agriculture, ou la politique agricole européenne, ce qui revient au même. L’élevage ovin est réduit a néant, dans le secteur agricole cette activité a le plus mauvais revenu de tous. Donc le loup représente un problème qui s’ajoute aux difficultés. La diminution du nombre d’éleveurs et de la présence humaine dans la montagne, entraîne un retour des animaux sauvages ; pas seulement le loup, mais d’autres comme le lynx par exemple. Cette présence provoque des tensions dans de plus en plus nombreuses régions. Mais cette tension ne constitue pas une nouveauté, elle a été permanente depuis des siècles dans l’histoire humaine des campagnes, mettant le loup face aux éleveurs. Des problèmes, des affrontements il n’en pas existé que sur le Gévaudan, mais aussi dans le centre ou dans l’est de la France. Cette confrontation entre l’éleveur, le paysan et les aléas de vie au sein du milieu naturelle n’a jamais été simple, comme ne sont jamais simples tous les conflits qui surviennent sur un territoire. Pour les uns comme pour les autres il y a la volonté d’éliminer l’autre. Normal, je n’élève pas des brebis pour nourrir le loup.
Autre question: est il est possible de parvenir à une nouvelle harmonie entre les concurrents que sont les hommes et certaines espèces sauvages occupant le même territoire ? J’ai des doutes dans un sens comme dans l’autre. Répondre par l’affirmative, ce serait oublier une situation à peu prés semblable dans tous les pays européens : tous les territoires ruraux et agricoles ne sont plus constitués que d’espaces occupés et donc intégralement façonnés par l’homme. Nos montagnes ont été transformées par les hommes, qu’il s’agisse de la coupe des forêts, de l’agriculture ou de l’élevage. Ces montagnes ne sont même plus sauvages dans leurs parties les plus hautes puisque pour les escalader des hommes ont équipé des voies d’escalade avec des pitons, voire des échelles. S’obstiner à croire à un espace naturel mythique ou idyllique, sans présence humaine relève d’une grave erreur d’appréciation de la réalité. Il faut renoncer à considérer la campagne comme un simple espace de jeu ; ou comme une agréable nature sauvage dans laquelle il ferait simplement bon vivre. Un espèce de mythe plus ou moins rousseauiste avec des lions végétariens qui mangeraient à côté des antilopes ou des loups qui lècheraient les agneaux égarés pour les ramener ensuite à leur mère. L’espace naturel du XXI ème siécle n’a plus rien à voir avec celui du Moyen Age, ne serait-ce que parce que nous sommes bien plus nombreux. »
José Bové
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