ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
SEIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 août 2022 .
PROPOSITION DE LOI
modifiant certaines règles relatives au transport aérien international pour limiter le trafic d’espèces sauvages,
(Renvoyée à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),
présentée par
Mme Laetitia SAINT‑PAUL,
députée.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Depuis de nombreuses années, le trafic international d’espèces sauvages pèse sur la crise de la biodiversité. Considéré comme la troisième plus grande catégorie de commerce illégal, avec des valeurs annuelles estimées entre 69 et 199 milliards de dollars, le trafic d’espèces animales et végétales apparaît aujourd’hui comme une des causes majeures de leur disparition après la destruction de leur habitat naturel et les changements climatiques.
Au‑delà de la menace qu’il fait peser sur la biodiversité, le trafic international d’espèces alimente souvent les réseaux criminels, nourrit la corruption dans les pays exportateurs, et peut avoir de graves conséquences en termes de sécurité et de santé publique. La situation de la France est particulière, et implique son exemplarité. Elle compte 12 territoires d’Outre‑mer répartis sur l’ensemble du globe, présents dans 5 « hotspots » de biodiversité, qui hébergent une quantité très importante d’espèces menacées. Selon un rapport récent publié par WWF et l’association TRAFFIC, la France est l’un des principaux pays importateurs de produits issus d’espèces sauvages destinés au marché européen, et l’un des principaux points de sortie pour les (ré)exportations vers des pays tiers à l’Union européenne.
En effet, il faut souligner que sur le seul terminal 2 de Roissy Charles‑de‑Gaulle du 1er janvier au 15 décembre 2021, 36 tonnes de denrées périssables illégales ont été saisies dont plus d’une dizaine de tonnes de viande de brousse. Il s’agit principalement de pangolins, de primates, de chauves‑souris, d’antilopes, de poissons, d’agoutis, d’insectes, même si toutes les espèces sont impactées. Ces voyageurs sont majoritairement inconscients du danger sanitaire que représente le fait de ramener dans leur bagage de la viande de brousse, qui peut être vecteur de zoonoses - maladies infectieuses qui passent de l’animal à l’homme - et contenir des insectes nuisibles et invasifs pouvant à leur tour transmettre des maladies. Il y a donc un véritable enjeu de santé publique dont les voyageurs doivent avoir conscience à travers une sensibilisation par les transporteurs aériens.
Le commerce illégal d’espèces sauvages représente ainsi l’une des problématiques nécessitant davantage de prise en compte par les autorités françaises. C’est pourquoi lors de son dernier Congrès mondial de la nature en septembre 2021 à Marseille, l’Union internationale pour la conservation de la nature a adopté 3 recommandations majeures sur ce sujet dont la motion 47 portée par l’Association Française des Parcs Zoologiques qui engage les États, dont la France, à renforcer les capacités et la coopération nationales afin de prévenir et de combattre le trafic d’espèces sauvages, en adoptant et mettant en œuvre des normes juridiques nationales dans une logique de dissuasion et de sanction prévoyant notamment la responsabilité des personnes morales qui participent à ces crimes.
Différentes mesures permettraient, à l’initiative de la France, de réduire fortement ce trafic et ces crimes, par exemple en accompagnant la sensibilisation des populations locales à ce problème et leur transition économique, mais également en agissant sur le transport, cela en s’appuyant sur les règles internationales.
La Convention de Montréal de 1999 pour l’unification des règles relatives au transport aérien en France et dans tous les autres États membres de l’Union européenne, a pour but prioritaire la protection des passagers voyageant sur des vols internationaux et la responsabilité civile des transporteurs aériens lorsque les passagers, leurs bagages et leurs marchandises subissent des dommages. Ainsi, bien qu’elle permette de responsabiliser l’ensemble des acteurs du secteur, le champ couvert par cette Convention et les principes qu’elle instaure sont insuffisants pour assurer un meilleur contrôle du trafic international d’espèces par transport aérien.
Aussi, les Recommandations publiées par l’Association du transport aérien international (IATA) pour le transport des animaux vivants (LAR) et des cargaisons de périssables (PCR) ne sont pas toujours suivies par les États membres signataires lorsqu’elles ne sont pas contraignantes.
Considérant ainsi les graves conséquences du commerce illégal animalier sur la protection de la biodiversité et la fragilité des réglementations existantes pour en faire face, les auteurs de cette proposition de loi souhaitent renforcer la lutte contre le trafic d’espèces sauvages dans le transport aérien international.
L’article 1er, qui modifie l’article L. 6421‑4 du code des transports, vise à uniformiser les règles pour les bagages en soute autorisés par voyageur pour tous les vols commerciaux en provenance d’un pays hors Union européenne (UE), afin de réduire les risques sanitaires et environnementaux ‑ par une réduction du poids des bagages autorisés par voyageur à 23 kg maximum. Actuellement, la réglementation permet aux voyageurs en classe économique de disposer de 2 x 23kg de bagages en soute, sans surcoût selon la politique commerciale de la compagnie aérienne. Certains peuvent donc transporter jusqu’à 46 kg, sans justification autre que commerciale, ouvrant la voie à des bagages entiers remplis de viande de brousse et autres marchandises illégales ; cette situation doit être stoppée d’urgence. En outre, la différence de tarifs entre les compagnies aériennes concernant les bagages en soute conduit également à cette importation et exportation massive de denrées illégales, souvent périssables. Il est primordial que les compagnies aériennes alignent l’ensemble de leur politique tarifaire de bagages en ce sens.
L’Article 2 prévoit qu’un rapport annuel soit présenté devant le Parlement afin d’établir une évaluation de la situation avec des indicateurs chiffrés, en particulier concernant le tonnage d’espèces sauvages importées illégalement. En effet, la CITES dans sa résolution Conf. 14.3 (Rev. CoP18) recommande la publication de « rapports annuels et bisannuels, textes législatifs et d’autres reports spéciaux ainsi que des réponses aux demandes d’informations – par exemple pour l’étude du commerce important ou le projet sur les législations nationales – [qui] sont les principaux moyens, mais pas les seuls, de vérifier si les obligations découlant de la Convention sont respectées. ». Le but est que ce rapport présente également des pistes de responsabilisation et de sensibilisation des Français mais aussi d’engagement et de responsabilisation des transporteurs aériens et cela notamment en réfléchissant à comment mieux mobiliser les outils juridiques de la France pour dissuader ces trafics d’espèces sauvages.
L’article 3 qui modifie le code de l’environnement prévoit d’inscrire la responsabilité juridique du transporteur aérien vis‑à‑vis de la cargaison des passagers contenant des spécimens d’une espèce animale ou végétale protégée (article L. 415‑3 du code de l’environnement). Le cadre juridique actuel n’engage que la responsabilité du passager pour le transport de marchandises illégales comme spécimens ou produits d’espèces CITES. Il faut donc accroître la responsabilité légale du transporteur une fois qu’il a accepté la LTA (Lettre de Transport Aérien) de l’expéditeur ou du passager et procédé à l’embarquement de ses marchandises ou bagages.
PROPOSITION DE LOI
Article 1er
Le dernier alinéa de l’article L. 6421‑4 du code des transports est ainsi modifié :
1° La dernière phrase est complété par les mots : « , sauf si elle porte atteinte aux espèces menacées et inscrites à la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction » ;
2° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :
« Pour ce faire, le volume des bagages en soute autorisé par voyageur est de 23 kilogrammes maximum, quels que soient le pays d’origine et la compagnie aérienne, et l’octroi par les compagnies aériennes d’une dérogation pour un surplus de volume de bagages autorisé en soute ne peut être gratuit. »
Article 2
Le Gouvernement remet chaque année au Parlement un rapport dressant un état des lieux de la situation et établissant un bilan du nombre de tonnes d’espèces sauvages importées. Le rapport présente des pistes de responsabilisation des Français et des transporteurs aériens ainsi que des pistes de réflexion pour mieux mobiliser les outils juridiques de la France afin de dissuader, voire de sanctionner, ces trafics d’espèces sauvages. Ce rapport peut faire l’objet d’un débat au sein des commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat.
Article 3
L’article L. 415‑3 du code de l’environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’amende est doublée lorsque les transports mentionnés aux 2° et 3° sont réalisés par un transporteur aérien après l’acceptation de la lettre de transport aérien de l’expéditeur ou du passager et l’embarquement de ses marchandises ou bagages. »
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