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Proposition de loi

Nationale

N° 2236

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 février 2024.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

visant à protéger les éleveurs contre la prédation des loups,

présentée par

M. Pierre MOREL-À-L’HUISSIER, Mme Émilie BONNIVARD, M. Guy BRICOUT, Mme Agnès FIRMIN LE BODO, M. Hubert BRIGAND, M. Sébastien CHENU, M. Pierrick BERTELOOT, Mme Josiane CORNELOUP, Mme Béatrice DESCAMPS, M. Stéphane LENORMAND, M. Jean-Luc WARSMANN, M. Fabrice BRUN, M. Francis DUBOIS, Mme Véronique BESSE, Mme Virginie DUBY-MULLER, Mme Annie GENEVARD, Mme Géraldine GRANGIER, M. Victor HABERT-DASSAULT, M. Luc LAMIRAULT, M. Philippe LOTTIAUX, Mme Alexandra MASSON, M. Yannick NEUDER, M. Julien ODOUL, M. Hervé SAULIGNAC, M. Jean-Pierre TAITE, Mme Anne-Cécile VIOLLAND, M. Stéphane VIRY, M. Lionel VUIBERT, M. Vincent DESCOEUR,

députés et députées.

– 1 –

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les activités pastorales souffrent d’attaques répétées de loups (canis lupus), notamment dans le Sud‑Est de la France. Il en résulte une activité économique locale gravement perturbée et des éleveurs plongés dans une insécurité économique et financière mais également sociale.

Cette problématique, bien que fortement ressentie par nos éleveurs, notamment dans la région Languedoc‑Roussillon, risque de prochainement prendre une dimension nationale. En témoigne la dernière estimation du nombre de loups sur notre territoire, qui est passé de 921 en 2022 à 1 104 en 2023. En outre, au‑delà des régions de Sud de la France, d’autres territoires sont en voie de colonisation et ces derniers sont souvent peu ou pas préparés à la présence de loups.

Depuis de nombreuses années, les attaques de loups contre les troupeaux de bétail se multiplient en France et en Europe, causant la mort de 65 500 bêtes chaque année sur le continent. La France figure parmi les pays les plus impactés, aux côtés de l’Italie et de l’Espagne, avec entre 10 000 et 14 000 bêtes tuées chaque année en moyenne. Les chiffres les plus récents révèlent que plus de 12 000 animaux ont été victimes de prédation en 2022, touchant les ovins, les caprins, mais aussi les bovins et les équins.

Face à cette situation, les éleveurs réclament un retour à la sérénité dans leur travail et au sein de leur vie familiale. Certains subissent des attaques successives, leur désarroi va au‑delà des pertes subies, impactant souvent leur état psychologique. Le travail laborieux de plusieurs années peut‑être alors anéanti en un instant, obligeant à reconstruire des troupeaux, à soigner les bêtes blessées lorsque c’est encore possible, et à abattre celles qui ne peuvent survivre.

Les récents développements politiques témoignent de la prise de conscience de cette problématique. La commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale s’était penchée sur la question en janvier dernier pour dresser un bilan du nombre d’attaques de loups intervenues ces dernières années en Europe et en France. La commission, dans sa communication politique du 31 janvier 2024 a également effectué un tour d’horizon sur les initiatives récentes de l’Union européenne visant à réviser le statut de loup, ce qui pourrait favoriser la mise en place d’une politique de protection de l’agropastoralisme.

La réapparition du loup dans certaines régions des pays de l’Union européenne, la dynamique démographique de sa population et les pertes subies par les éleveurs ont suscité un débat sur la nécessité d’ajuster le niveau de protection du loup et d’accompagner les éleveurs. À l’issue de celui‑ci, le Parlement européen a voté une Résolution sur cette question le 24 novembre 2022. Le 4 septembre 2022, Madame von der Leyen, Présidente de la Commission européenne, avait annoncé une campagne d’actualisation des données sur les populations des loups dans l’Union européenne. Sur la base de cette étude publiée en décembre 2023, une Proposition de révision de la Convention de Berne sur la conservation de la vie sauvage en Europe a été publiée. Celle‑ci suggère de faire passer le statut de protection des loups de « strictement protégé », annexe II de la Convention de Berne à « protégé », annexe III de la Convention.

Enfin, cette modification semble être une réponse appropriée au regard des tendances récentes de l’état de conservation de l’espèce, tout en maintenant un niveau de protection suffisant, ce qui par ailleurs, a toujours constitué notre demande, malgré l’opposition de la France. Faute d’une réglementation adaptée et d’un soutien apporté aux éleveurs, le développement de l’agropastoralisme et de l’élevage extensif sur notre territoire et au‑delà seraient, désormais, à risque.

Compte tenu de ces éléments, cette Proposition de résolution appelle à une réflexion approfondie commune et invite à améliorer l’accompagnement des éleveurs dans cette période de transition et de défis multiples.

– 1 –

PROPOSITION DE DE RÉSOLUTION

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu le Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne de 2007 (issu du « Traité de Lisbonne »),

Vu la Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe de 1979 (« Convention de Berne »),

Vu la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvage (« directive Habitats »),

Vu la résolution (2022/2952(RSP)) sur la protection des élevages de bétail et des grands carnivores en Europe,

Vu le plan stratégique national de la politique agricole commune (2023‑2027) pour la France, et en particulier ses points 70.26 et 73.16,

Vu la proposition de la Commission européenne 2023/0469 relative à la modification des annexes II et III de la Convention de Berne,

Vu la proposition de décision du Conseil sur le statut du loup dans l’Union européenne, présentée par la Commission européenne le 20 décembre 2023,

Vu l’avis politique de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale du 31 janvier 2024 relatif au statut de protection du loup et le soutien aux éleveurs au sein de l’Union européenne,

Vu la proposition de loi n° 1114 visant à créer des zones de régulation renforcée contre le loup, déposée le 25 avril 2023,

Vu la proposition de loi n° 414 visant à faciliter les pouvoirs de police du préfet face aux prédations d’espèces animales protégées déposée le 2 novembre 2022,

Considérant que le loup (canis lupus) figure parmi les espèces strictement protégées aux termes de l’annexe II de la Convention de Berne et de l’annexe IV de la directive Habitats ;

Considérant que l’état de conservation du loup montre une tendance globalement positive depuis une dizaine d’années ;

Considérant que la population de loup en France est en constante augmentation depuis sa réintroduction, l’estimation du nombre de loups étant passée de 921 en 2022 à 1 104 en 2023 ;

Considérant que la présence des loups est constatée désormais sur une très grande partie du territoire français, puisque 53 départements sont concernés en 2022 ;

Considérant que la constante extension de l’aire de répartition des loups entraîne des conflits croissants de coexistence avec les activités agropastorales ;

Considérant que la prédation des loups a des effets financiers considérables pour les éleveurs, mais aussi des effets psychologiques sous‑estimés ;

Considérant que le vote de la résolution (2022/2952(RSP)) du Parlement européen sur la protection des élevages de bétail et des grands carnivores en Europe le 24 novembre 2022 ouvre le processus de la modification du statut de conservation du loup ;

1. Suggère au Gouvernement de surveiller la procédure d’évaluation permettant de modifier le statut de protection des populations de certaines régions dès lors que l’état de conservation souhaité est atteint, prochainement élaborée par la Commission européenne ;

2. Suggère au Gouvernement d’appuyer la révision la Directive « Habitats » ;

3. Invite le Gouvernement à prendre position sur la résolution 2022/2952(RSP) du Parlement européen publiée le 24 novembre 2022 ;

4. Invite le Gouvernement à mieux prendre en considération la protection de l’agropastoralisme ;

5. Suggère au Gouvernement de revoir le niveau de protection du loup et de son statut ;

6. Invite le Gouvernement à mieux accompagner les éleveurs et améliorer leur qualité de vie ;

7. Suggère au Gouvernement d’alerter les autorités nationales et européennes sur la nécessité de mieux accompagner et soutenir les éleveurs qui se trouvent en grande difficulté ;

8. Invite le Gouvernement à promouvoir une coordination européenne face à la résurgence des attaques de loups ;

9. Suggère au Gouvernement de prendre en compte leur participation sur le reste à charge des éleveurs pour financer les mesures de prévention ;

10. Suggère au Gouvernement de simplifier les démarches administratives aussi bien pour le financement des moyens de protection que pour les indemnisations des pertes ;

11. Suggère au Gouvernement d’accompagner les territoires à risque ;

13. Invite le Gouvernement à créer des zones de régulation pour le loup regroupant les communes dans lesquelles les activités pastorales sont gravement perturbées par les attaques des loups qui causent des dommages importants ;

14. Invite le Gouvernement à faciliter les pouvoirs de police du préfet face aux prédations d’espèces animales protégées.

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Crédits

Soumis par Thierry Lherm

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