Comment une barbarie pourrait-elle appartenir au patrimoine culturel français ?
Vendredi 22 avril dernier, la France entière a appris qu’une commission administrative avait sournoisement décrété que la corrida faisait désormais partie du patrimoine culturel immatériel français.
Par cette décision, cette commission dont la composition est, pour l’heure, toujours inconnue a jeté le discrédit sur toutes les autres manifestations, représentations ou savoir-faire qui figurent déjà dans cet inventaire comme les métiers d’art, les arts culinaires, le spectacle vivant, les chants traditionnels, le théâtre et les contes de nombreuses régions.
Cette décision sans légitimité démocratique, prise en catimini, fait honte à la France qui devient le premier pays au monde à inscrire la corrida dans son patrimoine culturel national. Même l’Espagne n’a pas voulu inscrire la corrida à son inventaire culturel.
Cette décision est anachronique : l’année passée, la Catalogne en Espagne, terre de tradition tauromachique, a décidé après un processus démocratique d’abolir ces cruautés. Depuis cette année, en France, dans les arènes de Fréjus sont désormais interdites.
Cette décision est un déni de démocratie : les français sont opposés à ces pratiques d’un autre âge (66% d’entre eux sont opposés à la corrida d’après un sondage des 3 et 5 mai 2010), y compris dans les régions dites taurines (71% des habitants du Gard ne sont pas attachés à la corrida selon un sondage de juillet 2010).
Inscrire une pratique au patrimoine culturel d’un Peuple alors qu’il la rejette massivement est un affront fait aux Français.
- Sur la procédure :
Un quarteron de technocrates n’a aucune légitimité pour s’exprimer au nom du Peuple sur ce qui fait partie de notre patrimoine national. C’est une atteinte grave à la démocratie.
Cette liste doit avoir l’assentiment du Peuple. Il incombe donc aux représentants de la Nation de ratifier ou non les propositions de cette commission. Ainsi nous souhaitons que la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale et du Sénat soient les seules habilitées à approuver une inscription au patrimoine culturel immatériel de notre pays.
- Sur la forme :
Cette décision inique a été prise en toute opacité.
L’opacité qui entoure cette décision et le fait qu’elle ait été tenue secrète depuis plusieurs mois (la décision a été prise en janvier et annoncée publiquement le 22 avril) est, de plus, une marque de mépris à l’égard des médias et de la population française tout entière.
On ne peut que s’interroger si cette décision, prise en catimini, n’a pas pour seul objectif de servir un lobby en perte de vitesse.
- Sur le fond :
Le patrimoine culturel est ce qui réunit les Français, ce qui constitue leur identité nationale. Ce n’est pas ce qui les oppose.
La culture élève l’Homme. Tout ce qui flatte les instincts les plus vils de l’Homme est donc la négation de la culture. La corrida est donc la négation de la culture.
Inscrire une barbarie au rang d’une culture est un grave recul de civilisation.
Une décision technocratique ne peut pas arrêter le cours de l’Histoire : l’abolition de l’exception tauromachique est inéluctable dans notre société humaniste.
Nous ne sommes pas dupes de cette tentative d’utiliser le masque de la culture pour essayer de justifier cette mise en spectacle de la torture animale. Le ministère de la culture ne peut pas être complice de ce mensonge.
Pour toutes ces raisons nous demandons solennellement à Frédéric Mitterrand, Ministre de la Culture et de la Communication, d’annuler cette inscription, qui constitue une profanation de la culture et de la France, et de rendre plus transparent et plus démocratique le processus d’inscription à l’inventaire du patrimoine culturel immatériel français.
Source
Article de Jean-Louis CHRIST paru le 6 mai dans le Progrès de Lyon