La Commission adopte l’amendement CL17.
Elle examine ensuite, en présentation commune, les amendements CL10 et CL11 de M. Olivier Marleix.
M. Olivier Marleix. Je suis moins choqué maintenant que nous venons d’adopter l’amendement de M. Euzet, qui permet de faire figurer la photographie du candidat sur le bulletin de vote. Je trouvais en effet assez étrange de vouloir l’interdire alors que l’on voit de plus en plus fleurir tout et n’importe quoi sur les affiches électorales. Les études montrent que 15 % à 20 % des électeurs se décident en regardant les affiches avant d’entrer dans le bureau de vote. Ce que l’on y fait figurer n’est donc pas sans incidence sur l’issue du scrutin. C’est pourquoi je m’interroge sur le bien-fondé d’une disposition autorisant la présence de personnes qui ne sont pas candidates sur une affiche électorale.
Depuis le général Boulanger, on a interdit les candidatures multiples, mais on autorise des gens qui ne sont candidats à aucune élection à faire figurer leur tête partout. Cela doit au moins nous amener à réfléchir aux conséquences de cette décision sur la lisibilité du scrutin. Cette pratique permet à certains candidats de ne jamais mettre les pieds dans la circonscription électorale où ils se présentent et de réaliser des scores supérieurs à 30 %. Ce qui ne serait pas possible si ne figurait que la photographie du candidat et que celui-ci ne se montrait absolument pas au cours de la campagne…
Aujourd’hui cet usage n’est pas réglementé. Je pourrais ainsi faire figurer sur mon affiche le portait du général de Gaulle – ce qui ne me rajeunirait pas – ou celui de Marilyn Monroe : il n’y a ni limite ni jurisprudence ; on peut faire n’importe quoi.
Mon amendement CL10 tend à remédier à cet état de fait.
L’amendement CL11 vise d’autres pratiques. En 2012, dans la circonscription où je me présentais pour les élections législatives, M. Dieudonné M’Bala M’Bala était également candidat. Mais lui, au lieu de faire figurer son suppléant à ses côtés, avait choisi la photo d’une chèvre. Après consultation du code électoral, il est apparu que ce geste qui se voulait facétieux n’était pas interdit.
Je sais que cette pratique inquiète le parti animaliste qui voit là une attaque frontale… J’avoue avoir été interpelé par la campagne de ce parti lors des élections européennes. Reconnaissons-le : ce petit chien était tellement sympathique qu’il était difficile pour les autres têtes de liste de rivaliser. C’était de la concurrence déloyale (Sourires).
Un jour nous aurons des chatons, des lapins, des biches… Cela m’amène à m’interroger sur l’avenir de nos systèmes électoraux et sur la sincérité du scrutin. Je pense que les têtes de liste du parti animaliste n’étaient pas plus moches que les autres… On élit des gens, pas des causes, aussi sympathiques et nobles soient-elles – je ne veux fâcher personne.
Je préconise, avec ces deux amendements, que seuls les candidats doivent pouvoir figurer sur les bulletins, affiches ou professions de foi. Ce sera beaucoup plus simple.
M. Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur. Ces amendements, qui relèvent du domaine réglementaire, concernant des dispositions actuellement régies par les articles R. 26 à R. 39 du code électoral, ont néanmoins le mérite de reprendre des questions qui se posent aujourd’hui.
Mon avis sera défavorable, car je considère que les affiches et les professions de foi constituent des outils de propagande, que les candidats doivent avoir la latitude de définir comme ils l’entendent afin de convaincre les électeurs de voter pour eux. Ce n’est pas à la loi d’en décider. Chacun doit pouvoir mentionner ses soutiens ou les causes qu’il souhaite représenter.
Vous avez pris l’exemple de la liste animaliste lors des dernières élections législatives ou européennes. J’aime à penser que, si elle a réalisé un beau score, ce n’était pas dû seulement au chiot figurant sur l’affiche. C’est surtout que cette cause devient de plus en plus importante dans notre société et qu’un certain nombre d’électeurs s’y sont retrouvés en toute conscience.
M. Ugo Bernalicis. La pratique que dénonce l’amendement CL10 de M. Marleix a été celle d’autres élections, dont la dernière présidentielle. Ainsi Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélanchon figuraient-ils respectivement sur les affiches des candidats de La République en Marche et de La France insoumise. Et ce parce qu’il existe un lien très fort entre les élections législatives et l’élection présidentielle du fait de l’inversion du calendrier électoral. Si nous ouvrions le débat sur cette connexion, je pourrais être d’accord avec cet amendement En l’état actuel des choses, le fait d’apposer à côté du candidat à l’élection législative la photo de celui de l’élection présidentielle dont il se réclame me paraît davantage un facteur de clarté que de confusion.
En revanche, mon avis sera plus convergent pour l’amendement CL11. En effet, et ainsi que le savent bien les publicitaires, les animaux constituent un argument commercial majeur ainsi qu’un outil de manipulation – bienveillant ou malveillant – pour attirer l’attention du consommateur. Il en va de même pour l’électeur. Nous n’ignorons pas, du reste, que les propagandes électorales officielles peuvent contenir de tels messages ; à tel point qu’il est interdit de faire figurer les couleurs bleu, blanc, rouge afin que nul ne puisse se réclamer d’une quelconque investiture officielle. Des bornes sont ainsi posées pour prévenir la manipulation de l’opinion. Or il me semble que les animaux sont utilisés comme des instruments de manipulation. Aussi, en tant que défenseur de la cause animale, je considère qu’il faudrait demander leur avis aux animaux en question, qui ne l’ont sans doute pas donné.
C’est à ce titre que je suis favorable à cet amendement, sous réserve de la mention de la seule photographie, car des petits malins pourraient alors recourir au dessin.
M. Philippe Latombe. L’amendement CL11 ne me paraît pas bienvenu, car, le cas échéant, plus aucune affiche ne pourrait présenter un fond représentant la campagne et des moutons. De même, un agriculteur ne pourrait pas se présenter en tant que tel et le manifester en se montant dans une ferme avec des animaux. S’agissant des chasseurs, ou du parti Chasse, pêche, nature et traditions (CPNT), cet amendement interdirait la photo d’un chasseur portant un oiseau abattu à la ceinture. Je comprends la préoccupation exprimée par M. Marleix, mais on ne peut pas supprimer notamment les photographies d’animaux sur les professions de foi.
C’est pourquoi je voterai contre ces amendements CL10 et CL11.
M. Raphaël Schellenberger. Ces amendements questionnent le cœur, non pas du droit électoral, mais de notre système représentatif. Les électeurs doivent choisir les personnes qui vont les représenter intuitu personae, en fonction des engagements qu’elles prennent, mais pas des obligations qui découleraient de leurs professions de foi. Ce n’est pas parce que l’on s’engage à défendre une cause que l’on est soumis à une obligation de résultat. C’est bien sur des personnes que les électeurs portent leurs voix, et c’est à ces personnes qu’ils font confiance pour porter les valeurs détaillées dans la profession de foi.
Nous parlons des affiches et des circulaires. Il était question précédemment des comptes de campagne, qui en réalité concernent tout sauf ces derniers. Nous avons en effet progressivement donné aux candidats les moyens de mener des campagnes en dehors des moyens officiels : réseaux sociaux, vidéos, sites internet, distributions libres de tracts, collages d’affiches. Ils peuvent avoir recours à toutes sortes de moyens de publicité et de propagande, à due concurrence d’un certain budget, un minimum d’équité entre les candidats étant nécessaire.
La campagne officielle reste, quant à elle, encore sacralisée. Elle fait l’objet, en effet, d’un certain nombre de restrictions qui tendent à ramener l’élection à ce qu’elle est : le choix d’une personne ou d’un ensemble de personnes dans le cadre d’un scrutin de liste ou d’un scrutin binominal. C’est la raison pour laquelle ces amendements ne portent pas sur l’ensemble des outils de propagande. Ainsi, nous n’interdisons pas au candidat de faire apparaître d’autres personnes dans l’ensemble de leurs moyens de propagande, dans un clip diffusé sur internet par exemple. Seuls sont visés les documents qui constituent le cœur de la propagande électorale.
Sur le bleu, blanc, rouge, s’il y a du bleu dans le ciel et que le candidat porte la Légion d’honneur au revers de sa veste, celle-ci doit être colorée afin d’être certain de ne pas enfreindre la règle ! Voilà où nous en sommes ! Il faut introduire un peu de nuance : c’est la reproduction de la couleur officielle qui est interdite. Ce n’est pas la présence de différentes couleurs sur une circulaire qui va induire l’électeur en erreur.
La Commission rejette successivement les amendements.
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