Séance du 20 juin 2024
Délibération n° 24/116
OBJET
Bien-être animal - Délibération-cadre - Orientations et plan d'action "Bien-être animal" 2024-2027.
Rapport de Madame le Maire
Mesdames, Messieurs,
L’histoire de la reconnaissance des animaux comme êtres vivants sensibles s’inscrit dans le temps long. Près de cent quatre-vingts ans de luttes éthiques et politiques, de dispositions législatives, d’engagements forts de citoyens humanistes et d’adhérents d’associations locales ou nationales ancrent l’évolution de notre rapport aux animaux dans la société française.
D’une part, protéger la faune dans un contexte de changement climatique lié à l’extinction massive des espèces animales répond à un devoir et une nécessité. D’autre part, une plus grande responsabilité nous incombe, face à l’évolution sociétale et l’accompagnement des citoyens dans des rapports plus équilibrés avec les animaux.
La loi de 1976 sur la protection des espaces naturels et des paysages comporte des articles pour la préservation des espèces animales, le maintien des équilibres biologiques et des ressources naturelles contre toutes les causes de dégradation qui les menacent. En soi, elle exprime pour la première fois la nécessité de bon traitement des animaux en adéquation avec leur environnement. La même année, le Code rural considère l’animal comme un « être vivant doué de sensibilité ». Le 16 février 2015, le Code civil (nouvel article 515-14) s’aligne sur le Code rural et reconnaît l’animal dans son individualité et son intégrité. La loi du 30 novembre 2021 renforce quelque peu ces avancées, en visant à lutter contre la maltraitance animale et à conforter le lien entre les animaux et les humains.
L’attention spécifique portée par ces lois aux espèces reconnues comme animaux de compagnie dessert toutefois la reconnaissance de l’animal sauvage vivant en liberté, en tant qu’être doué de sensibilité. Les principes de préservation de la biodiversité et des espèces imposent d’apporter une réponse adaptée à toutes les espèces pour les protéger de manière égale en fonction de leurs besoins et de leur répartition sur le territoire.
La Ville de Lille souhaite donc intégrer les principes du bien-être animal dans l’ensemble de ses objectifs, inventer de nouvelles pratiques visant à favoriser une cohabitation équilibrée entre tous les animaux et les humains, penser le territoire comme une véritable terre de relations.
Ce cadre repose sur trois postulats :
1) Tous les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité.
2) Leur présence contribue à l’équilibre de nos sociétés humaines.
3) La corrélation entre maltraitance animale et violence envers les êtres humains est établie, donc elles doivent pouvoir être l’une comme l’autre détectées et résolues.
La présente délibération a pour objet de poser le cadre de référence de l’action municipale en faveur de la condition animale pour les années à venir. Ce cadre est organisé autour de cinq axes, présentés ci-après et détaillés en annexe.
La Ville de Lille entend à la fois mener des actions sur les champs de la protection, de la remédiation, de l’information et de la responsabilisation, tout en mobilisant ses partenaires et en les accompagnant dans leurs actions qui rejoignent les objectifs de la Ville en faveur du bien-être animal.
1. Protéger les animaux et les intégrer dans nos modes de vie
De nombreux animaux se côtoient dans les espaces publics ou naturels de la Ville. Qu’ils soient de compagnie, sauvages ou liminaires, tous vivent en interaction au sein d’un même territoire. Il s’agit d’adapter le territoire à leur présence et à leurs besoins spécifiques, par la combinaison d’actions :
- Déploiement de caniparcs et d’aires d’ébats, dans tous les quartiers ;
- Programmation de campagnes de stérilisation, d’identification et de vaccination, et de dispositifs d’alerte permettant de porter secours aux chats errants ;
- Aménagements de protection pour la petite faune sauvage, par exemple : installations de gîtes, de nichoirs, d’écuroducs, d’abris spécifiques, de remontées à faune et labellisation de plusieurs sites en « refuges LPO » ;
- Mise en valeur des trames noires, vertes et bleues établies favorisant le déplacement sûr de la faune par la création de continuités écologiques, par exemple : accroissement de roselières, assurant des lieux de nidification protégés, de nouvelles frayères ou de zones refuges ;
- Organisation de visites naturalistes avec les écologues municipaux ou ses partenaires, et sensibilisation sur des problématiques ciblées, par exemple la prévention de collisions d’oiseaux sur les immeubles de grande hauteur qui a fait l’objet de préconisations dans le cadre du Pacte Lille Carbone ;
- Adaptation des pratiques d’entretien des espaces verts aux cycles biologiques des animaux (période de nidification, de migration) et aux rythmes de vie des espèces diurnes et nocturnes ;
- Expérimentation de méthodes alternatives pour la régulation des animaux liminaires, par exemple en travaillant aux conditions d’installations de faucons pèlerins et de chouettes dans l’espace aérien lillois.
2. Instaurer une relation apaisée entre animaux et humains
La Ville de Lille lutte contre les pratiques de maltraitance animale sous toutes leurs formes.
Cette réflexion intègre le développement d’une alimentation respectueuse de la santé humaine, animale et environnementale :
- en allant vers une alimentation durable, végétale et éthique par l’instauration de deux journées végétariennes par semaine dans les cantines scolaires et la restauration collective de la ville (restaurant municipal, EHPAD, résidences pour personnes âgées) pour favoriser une alimentation moins carnée ;
- en intégrant le bien-être animal dans les critères d’attribution de la commande publique de restauration scolaire, en s’appuyant sur des labels éthiques concernant, par exemple, les conditions d’élevage.
Prenant en considération le fait que le contact d’un animal est un élément favorisant le bien-être humain, la Ville de Lille souhaite :
- permettre à des personnes sans abri ou à des personnes âgées propriétaires d’animaux domestiques d’entrer dans des dispositifs d’accueil ou de soins, des hôpitaux, par la recherche d’alternatives dans les modes de garde temporaire des animaux et/ou par l’autorisation de centres d’hébergement à accueillir la personne et son animal ;
- accompagner la mise en œuvre du décret d’application autorisant les personnes âgées à entrer en EHPAD ou en résidence pour personnes âgées avec leur animal de compagnie grâce à la formation d’un personnel dédié ;
- continuer à aider les personnes les plus démunies à prodiguer les soins vétérinaires de leur animal de compagnie, par la prise en charge proportionnée des frais médicaux ;
- proposer des formations aux premiers secours canins-félins pour une prise en charge rapide des situations de détresse des animaux de compagnie ;
- ouvrir une réflexion sur l’accompagnement de la problématique du deuil animalier.
Enfin, la Ville de Lille, soucieuse de pouvoir apporter une réponse aux situations de maltraitance animale, met en place des procédures, outils et dispositifs pour pouvoir mettre en sécurité le plus vite possible les animaux négligés et maltraités.
3. Prendre soin de tous
Agir pour la santé des animaux, c’est aussi agir pour une société plus humaine. La Ville de Lille aide les Lillois les plus précaires à soigner leurs animaux de compagnie, notamment par :
- une aide à l’accès à des soins vétérinaires, inscrite dans le Plan lillois de Lutte contre les Exclusions,
- la collecte et la distribution, ponctuelles, d’aliments pour les animaux.
Ces actions vont de pair avec la lutte contre les abandons estivaux et la promotion de la stérilisation, qui permet d’enrayer les problématiques liées aux chats errants.
Le Bien-être animal est un des fondements du zoo, qui accueille plusieurs espèces menacées et en voie de disparition dans leur milieu naturel, s’inscrivant dans un programme de conservation européen. A noter que le zoo accueille également des sujets issus de sauvetages ou de saisies douanières : il joue ainsi un rôle en termes de soin et d’orientation des animaux vers des structures d’accueil adaptées.
La Ville de Lille y propose des journées dédiées à la conservation des espèces menacées. Elles contribuent à une meilleure connaissance et à une responsabilisation des visiteurs vis-à-vis de la faune sauvage intercontinentale.
L’attention à la petite faune sauvage en ville, venant du grand public ou des associations, s’est par ailleurs considérablement développée.
L’enjeu est aujourd’hui de mieux coordonner les prises en charge d’urgence pour la petite faune sauvage, via la constitution d’un réseau de professionnels capacitaires, d’autant que les centres de soins et de sauvegarde les plus proches sont très éloignés de Lille. Au-delà des réponses apportées au quotidien, avec le concours d’habitants et d’associations, un travail et une collaboration de la Ville avec l’Office français de la biodiversité (OFB) et les services de l’Etat (DREAL, DDPP) est aujourd’hui engagé à ce sujet.
4. Sensibiliser à l’éthique animale
La sensibilisation des habitants au bien-être animal, mais aussi à la connaissance des bons relais et leviers pour agir face aux différentes situations (fonctionnement de la fourrière animale, souhait d’adoption, animaux trouvés sur la voie publique, éducation de l’animal, gestes à adopter face à un animal, etc.) est une dimension essentielle dans laquelle la Ville de Lille est engagée.
Pour cela, plusieurs actions sont développées :
- page d’information dédiée au bien-être animal sur le site internet de la Ville de Lille, depuis 2020,
- adresse [email protected] dédiée aux signalements d’habitants,
- guide de l’animal en ville, à disposition du grand public,
- journée « Tous ensemble pour le Bien-Etre animal ! », qui réunit tous les ans depuis 2021 les associations de protection animale, valorise leurs actions et sensibilise le grand public à l’éthique animale,
- campagnes de sensibilisation ciblées : ramassage des déjections canines, bonnes pratiques pour diminuer les sites de ponte de moustiques, protection de la petite faune sauvage dans les pratiques de loisir sur l’eau, pêche, etc.
Les travaux du Conseil municipal d’enfants et du Conseil municipal des jeunes, comme les actions des services de Nature en ville et des médiathèques, alimentent ces actions de sensibilisation.
De même, la Ville de Lille s’inscrit dans des démarches de candidatures à des labels reconnus pour la protection de la nature et les exigences du bien-être animal. La Ville de Lille a été honorée par les classements annuels de la Fondation 30 Millions d’Amis et de L 214.
5. Enrichir l’offre de bien-être animal à tous les champs culturels
Le bien-être animal est constitutif de notre équilibre humain. Il est donc naturel qu’il soit au cœur des réponses sociétales en matière de culture, de patrimoine, d’événementiel et d’éducation. Accompagner les partenaires culturels, les associations et les prestataires dans la prise en compte du Bien-être animal dans leurs propositions d’événements et d’animations est un travail quotidien.
Plusieurs actions témoignent de la prise en compte de ces dimensions, par exemple :
- interdiction des animaux sauvages dans les cirques depuis 5 ans ;
- adaptation des cahiers des charges en matière d’événements culturels et festifs, pour prendre en compte le bien-être animal ;
- organisation de conférences et ateliers immersifs pour affiner le regard sur le monde animal ;
- intégration de la sensibilisation au bien-être animal dans le Plan éducatif global (activités péri-scolaires, centres de loisirs municipaux, fonds documentaires et expos dans les bibliothèques).
Un comité de pilotage et un comité technique sont réunis pour suivre la mise en œuvre des actions de cette « feuille de route » et de les faire évoluer afin de les adapter aux évolutions législatives et sociétales.
(Extrait de la délibération présentée par Christelle Libert au conseil municipal de Lille du 20 juin 2024)
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