Cette proposition de loi est une avancée contre la chosification des animaux.
Ci-dessous, vous trouverez une analyse de Caroline Lanty (avocate et ancienne présidente de la SPA) qui nuance tout de même les effets positifs sur les animaux de cette proposition de loi (similaire à la proposition de loi N°4495 du 3 avril 2012).
Analyse de Caroline Lanty
Caroline Lanty, avocate inscrite au Barreau de Paris et ancienne présidente de la SPA, nous livre ici une analyse de cette proposition de loi :
Sur la première partie de la PPL (Proposition de Projet de Loi) : agents habilités à retirer. Il y a déjà l’article L205-1 du code rural qui prévoit : « Sans préjudice des compétences des officiers et agents de police judiciaire et des autres agents publics spécialement habilités par la loi… », donc sauf erreur de ma part les OPJ (Officiers de Police Judiciaire) et APJ (Agents de Police Judiciaire) sont déjà prévus.
Sur l’autre partie de la PPL, c’est toujours la même question lorsque l’on traite d’un régime juridique autonome pour l’animal.
La prise en compte sans cesse plus importante de l’animal et de la protection dont il doit être l’objet a amené à l’élaboration d’une réflexion sur son statut.
Le droit français, en son état actuel, apparaît peu cohérent. Le Code civil traite de l’animal dans la partie relative aux biens meubles. Le Code rural dispose, en son article L214-1 « Tout animal étant un être sensible doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce ». Mais les dispositions les plus protectrices sont inscrites dans le Code pénal et sont relatives aux sanctions en cas de mauvais traitements ou actes de cruauté, sanctions pouvant aller dans le dernier cas jusqu’à 30.000 euros d’amendes et 2 ans de prison.
A la lumière de la législation des autres pays (souvent européen), on peut penser que la question n’est pas la création d’un statut ou d’un régime juridique de l’animal. En effet, une fois la définition dans le Code civil comme « un être vivant, sensible, doué de mobilité, capable de ressentir souffrance… », le problème n’est pas réglé, loin de là ! Toutes les législations qui ont adopté une réforme du régime juridique de l’animal se sont bornées à en donner une définition, pour renvoyer ensuite aux dispositions relatives aux biens !
La difficulté de réunir sous un régime juridique unique l’animal de compagnie (chiens, chats, chevaux, nouveaux animaux de compagnie, tels que rats, souris, furets), l’animal de consommation (veau, vache, cochon, chevaux), l’animal d’expérimentation (souris, rats, chiens, cochons…) saute ici aux yeux.
Il est bien plus raisonnable de parler d’accroissements de la protection de l’animal et de l’application stricte et effective des lois qui l’assure. En effet, le souhait premier des associations de protection animale est d’éviter toute souffrance à l’animal. Cette volonté passe par :
- une prise en compte politique de la place de l’animal dans notre société, comme l’a été l’écologie et les préoccupations environnementales et de respect de la biodiversité par la création récente d’un Ministère d’Etat de l’Ecologie, du développement et de l’aménagement durable
- une répression sévère de tous les actes de maltraitance et de cruauté et l’établissement de la corrélation, comme cela a déjà été fait dans d’autres pays, entre les comportements pervers à l’égard des animaux et ceux à l’égard des enfants et des adultes. Et ça notre code pénal le permet parfaitement, si les juges voulaient bien se donner la peine de taper fort… !
- la volonté de financer et de développer les méthodes substitutives et alternatives à l’expérimentation animale
- l’amélioration des conditions de vie des animaux destinés à la consommation (élevage, transport et abattage) et information du grand public pour une consommation plus respectueuse des animaux (diminuer la consommation de viande, achat responsable, campagne de communication sur nocivité de la viande….)
- interdiction de tout spectacle mettant en scène la souffrance de l’animal : corrida, cirques avec animaux, combat de coqs, delphinarium, oserais-je parler ici des courses hippiques !
- interdiction de tout commerce reposant sur la souffrance animale : fourrure, animalerie
Il est bien entendu choquant, et encore plus pour « les amis des animaux » de voir l’animal réduit au rang de meuble par notre code civil. Mais aucun juriste, aucun spécialiste français, européen ou international n’a, à ce jour, réussi à mener une réflexion globale et poussée sur ce que devrait être un régime juridique de l’animal applicable dans notre société. Je n’y suis, bien entendu, pas parvenu non plus ! Ou alors cela implique une véritable révolution et une modification totale de notre relation à l’animal. Et ça, nos sociétés sont encore bien loin d’y consentir !
N’oublions jamais que l’objectif du législateur doit être la rédaction de lois qui puissent effectivement s’appliquer et qui ne souffrirons peu ou aucune possibilité de détournement. Si l’exception devient la règle, la loi devient inutile.
L’heure est aujourd’hui à une protection de l’animal sans cesse élargie.
Un régime juridique propre pour l’animal : La Phrase est belle, mais après ?
Je serai, cependant, la première à suivre celle ou celui qui parviendra à lui donner vie et corps !
Cela dit commencer par marquer le principe dans le code civil, permettrait au moins de dire « ça y est, la France a enfin compris et change d’attitude à l’égard des bêtes », mais la vie de ces dernières ne changeraient pas fondamentalement pour autant.
Texte complet de la proposition de Loi
N° 353
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 novembre 2012.
PROPOSITION DE LOI
relative à la protection animale,
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Mesdames et Messieurs
Yves FOULON, Gérald DARMANIN, Sophie ROHFRITSCH, Bernard DEFLESSELLES, Marcel BONNOT, Fernand SIRÉ, Annie GENEVARD, Arlette GROSSKOST, Jean-Michel COUVE, Jean-Claude BOUCHET, Michel ZUMKELLER, Alain MARSAUD, Lionnel LUCA et Dino CINIERI,
députés.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
En 1976, le législateur a reconnu que l’animal, bien meuble, est « un être sensible, [qui] doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce » (article L. 214-1 du code rural et de la pêche maritime). Néanmoins, nombreux sont les Français qui demandent une réforme du statut de l’animal.
En mai 2005, le rapport de Mme Antoine, magistrat missionnée par le garde des Sceaux sur cette question, recommandait la reconnaissance dans le code civil de la qualité d’être vivant doué de sensibilité de l’animal, et de déduire de cette qualification de base le régime juridique qu’il convient d’adopter à son égard.
En cohérence avec le droit européen, la législation française ne considère donc plus l’animal comme un bien ordinaire. Ainsi, le droit de propriété s’exerçant sur lui est limité en vue de sa protection et de son intérêt propre ; et le maître d’un animal a l’obligation d’assurer son bien-être, ce qui est incompatible avec la définition juridique de « bien meuble » que l’on trouve encore actuellement dans notre code civil.
Il est essentiel de s’assurer que les animaux de compagnie ou domestiques vivent dans des conditions dignes dans notre pays. C’est pourquoi les conditions de détention, de cession et d’usage des animaux, de compagnie ou d’élevage, sont réglementées et font l’objet de contrôles vétérinaires.
Ces contrôles et protections sont notamment prévus par les articles L. 214-2 et suivants du code rural et de la pêche maritime. De plus, des sanctions sont également inscrites aux codes pénal et rural. Mais il semble y avoir un vide juridique car si les procédures engagées sur le fondement desdits articles aboutissent, l’animal n’est en revanche pas protégé durant la procédure pénale.
En effet, l’article R. 645-1 du code pénal qui prévoit qu’en « cas de condamnation du propriétaire de l’animal, le tribunal peut décider de remettre l’animal à une œuvre de protection animale... », ne prévoit pas un éventuel placement conservatoire en cours de procédure visant à protéger l’animal menacé, alors que l’article 99-1 du code de procédure pénale prévoit les modalités du placement auxquelles le procureur de la République ou le juge d’instruction peuvent procéder, que ce soit au cours d’une procédure judiciaire ou suite aux contrôles et inspections mentionnés à l’article L. 214-23 du code rural et de la pêche maritime.
Or, pour l’application de ces dispositions, le II de l’article L. 214-23 du code rural, n’accorde le pouvoir de saisie ou de retrait de l’animal qu’aux « agents qui sont mentionnés au I de l’article L. 205-1 et à l’article L. 221-5 » du même code, c’est-à-dire aux contrôleurs sanitaires, techniciens ou vétérinaires, en omettant de conférer le même pouvoir aux officiers et agents de police judiciaire alors que c’est le plus souvent à eux que les particuliers ou associations de protection animale font appel dans les cas de maltraitance d’animaux domestiques ou de compagnie.
Il convient par conséquent de les autoriser à retirer l’animal maltraité à titre conservatoire et à demander au procureur ou au juge d’instruction saisi de prendre une ordonnance de placement en complétant l’article L. 214-23 du code rural.
Par ailleurs, afin que l’animal domestique ne soit plus soumis au strict « droit des biens », il convient de lui accorder un chapitre particulier dans le code civil.
La présente proposition de loi tend par conséquent à mettre en cohérence le code civil avec des dispositions du code pénal et du code rural : l’article 521-1 du code pénal protégeant l’animal dans sa nature d’être sensible et condamnant lourdement les sévices graves commis envers les animaux placés sous responsabilité humaine ; l’article L. 214-1 du code rural et de la pêche maritime qui reprend les dispositions de l’article 9 de la loi du 10 juillet 1976 : « Tout animal étant un être sensible doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce ».
Tel est l’objet de la proposition de loi que nous vous prions, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter.
PROPOSITION DE LOI
Article 1
Le II de l’article L. 214-23 du code rural et de la pêche maritime est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ces pouvoirs sont également attribués aux agents et officiers de police judiciaire qui interviennent dans le cadre d’une enquête de police judiciaire. »
Article 2
Après l’article 515-13 du code civil, il est inséré un livre Ier bis ainsi rédigé :
« Livre Ier bis
« Des animaux
« Art. 515-14. – Les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité.
« Ils doivent être placés dans des conditions conformes aux impératifs biologiques de leur espèce et au respect de leur bien-être. »
« Art. 515-15. – L’appropriation des animaux s’effectue conformément aux dispositions du code civil sur la vente et par les textes spécifiques du code rural et de la pêche maritime. »
Article 3
L’article 522 du même code est abrogé.
Article 4
L’article 524 du même code est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Sont immeubles par destination, quand ils sont placés par le propriétaire pour le service et l’exploitation du fonds : » ;
2° Les troisième, sixième, septième, huitième et neuvième alinéas sont supprimés.
Article 5
L’article 528 du même code est ainsi rédigé :
« Art. 528. – Sont meubles par leur nature les corps qui peuvent être transportés d’un lieu à un autre. »
Article 6
L’article 544 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La propriété des animaux est limitée par les dispositions légales qui leur sont propres. »
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