Droit animal

Sensibilité des animaux finalement reconnue dans le code civil : ces députés ont défendu en séance ce premier pas

Communication officielle

Nationale

Justification de la note

Positif mais pas encore assez ambitieux

Voici ce que prévoit dorénavant cet article : « Les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité. Sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des biens. ». En supprimant le terme « corporels », nous avons levé toute ambiguïté. [...] En bref, aucun bouleversement juridique d’ampleur n’est à attendre de cette rédaction. (Cécile Untermaier)
concilier la nécessité de qualifier juridiquement l’animal et sa qualité d’être sensible, sans pour autant en faire une catégorie juridique nouvelle entre les personnes et les biens. (Marc Dolez)
C’est Jean Glavany qui a déposé cet amendement, sur lequel beaucoup de nos collègues s’accordent [...] aucune inquiétude à avoir du fait que le droit civil soit aligné sur les dispositions qui existent déjà dans le code rural ! (Frédéric Lefebvre)
J’ai eu une conversation avec le président de la FNSEA, parce qu’il est vrai qu’il existait une inquiétude, et celle-ci a été ainsi balayée. (Jean Glavany)
extraits des interventions précédant le rejet des amendements nos 5 et 6

Passage du compte rendu de la première séance du mercredi 28 janvier 2015 :

Discussion générale

[...]

M. Marc Dolez. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, à l’occasion de la lecture définitive de ce projet de loi, le groupe GDR confirme tout d’abord l’appréciation positive qu’il porte sur plusieurs de ses dispositions, qui permettent d’alléger les contraintes qui pèsent souvent sur les administrations et de faciliter l’accomplissement de formalités par nos concitoyens.

C’est le cas pour la création d’un mode de preuve simplifié de la qualité d’héritier pour les héritages modestes, de l’extension aux personnes sourdes et muettes, ou ne parlant pas le français, de la possibilité d’établir un testament authentique, de l’allégement du contrôle exercé par le juge dans le cadre de l’administration légale dite sous contrôle judiciaire, et de l’allongement de la durée initiale maximale des mesures de tutelle à dix ans en cas de pathologie lourde non susceptible de connaître une amélioration.

Par ailleurs, nous soutenons la clarification du statut juridique des animaux dans le code civil, conformément à celui déjà inscrit dans les codes rural et pénal. Nous approuvons ainsi le bon compromis qui a abouti à la consécration de l’animal en tant que tel dans le code civil, qui permet de mieux concilier la nécessité de qualifier juridiquement l’animal et sa qualité d’être sensible, sans pour autant en faire une catégorie juridique nouvelle entre les personnes et les biens.

Nous réitérons également nos réserves s’agissant de l’élargissement du recours à la communication électronique en matière pénale, qui n’est pas sans comporter un risque de fragilisation de la sécurité juridique. Selon nous, il convient de s’assurer que les garanties offertes au destinataire soient identiques à celles offertes par les modes de communication traditionnels, et ce dans l’intérêt aussi bien de l’institution judiciaire que des différentes parties à la procédure.

Tout cela étant brièvement rappelé, la principale pierre d’achoppement demeure évidemment, madame la ministre, l’article 3, qui habilite le Gouvernement à réformer, par voie d’ordonnance, le droit des obligations et des contrats.

Si personne ne conteste la nécessité d’une telle réforme, réclamée depuis une vingtaine d’années par les praticiens et étayée par de nombreux travaux préparatoires, la méthode proposée n’est, elle, pas acceptable à nos yeux s’agissant d’un sujet qui touche aux règles premières de la vie en société et qui appellerait, selon nous, un examen par le Parlement. Au-delà de notre opposition de principe au recours aux ordonnances qui prive le Parlement de ses prérogatives, nous partageons sur ce point, vous l’avez compris, les réticences du Sénat et appelons de nos vœux un véritable travail législatif.

Le champ de l’habilitation sollicitée est extrêmement large. Il concerne des dispositions fondamentales du droit civil, car il recouvre la totalité des articles 1101 à 1381 du code civil, et en particulier les dispositions relatives au droit des contrats, au régime général des obligations et au régime de la preuve des obligations.

S’agissant d’une matière aussi fondamentale, nous continuons, malgré les arguments que vous avez avancés, madame la ministre, à ne pas comprendre ce qui empêche le Gouvernement de déposer un projet de loi permettant aux parlementaires de consacrer à ce sujet le temps qui s’impose. Les arguments touchant à la technicité du texte ou à l’encombrement irrémédiable de l’ordre du jour ne nous ont toujours pas convaincus. Qu’une matière soit technique ne la rend pas moins fondamentale…

[...]

Mme Cécile Untermaier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, bien que le présent texte ait l’ambition de simplifier et de moderniser notre justice ainsi que nos affaires intérieures, son parcours parlementaire n’a, et ce n’est rien de le dire, pas été simple. Nous n’avons en effet pas pu nous mettre complètement d’accord avec le Sénat.

Je souhaite centrer mon propos sur cinq sujets. L’article 1er bis d’abord, relatif au statut des animaux, est issu d’un amendement porté en avril dernier par Jean Glavany, ici présent, et plus largement par l’ensemble du groupe SRC. Cet amendement, de pure forme, est rapidement devenu le cœur de cette loi et a concentré de nombreuses critiques.

Pourtant, et nous sommes nombreux à le répéter depuis avril dernier, cette disposition se borne à préciser que les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité. Qui peut nier cette évidence ? Qui peut soutenir que les animaux ne sont pas doués de sensibilité ? Même le code rural et de la pêche maritime le reconnaît, dans son article L. 214-1. C’est d’ailleurs pour aligner les dispositions du code civil sur cette législation que l’amendement a été voté au printemps dernier. En harmonisant les législations relatives aux animaux, nous prévenons toute interprétation divergente de la part du juge. C’est cela aussi, simplifier.

Voici ce que prévoit dorénavant cet article : « Les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité. Sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des biens. ». En supprimant le terme « corporels », nous avons levé toute ambiguïté. Le régime juridique applicable aux animaux est celui qui est applicable aux biens, à savoir le régime des biens meubles ou immeubles par destination. En bref, aucun bouleversement juridique d’ampleur n’est à attendre de cette rédaction.

Le Sénat a refusé de voter cette mesure législative d’harmonisation entre les textes.

[...]

Texte voté par l’assemblée nationale en nouvelle lecture

Mme la présidente. J’appelle maintenant, conformément à l’article 114, alinéa 3, du règlement, le projet de loi dans le texte voté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.

J’appelle l’Assemblée à statuer d’abord sur les amendements dont je suis saisie.

Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 5 et 6, portant sur l’article 1er bis.

La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 5.

M. Philippe Gosselin. Cet amendement va me permettre de dire ce que je n’ai pas eu le temps de dire en discussion générale. L’article 1er bis pose un vrai problème. Comme je le disais tout à l’heure, il a été introduit un peu en catimini par notre collègue Jean Glavany. Or il faudrait sur ce sujet avoir une vraie et large concertation avec les professionnels des filières agricoles et industrielles, mais aussi avec les laboratoires, les chasseurs et autres. Il faudrait prendre la mesure de toutes les conséquences que cette rédaction emporte. J’ai l’impression que cela n’a pas été le cas. Demain, c’est l’agriculture qui pourrait être menacée, ou encore l’industrie, la chasse à courre,…

M. Jean-Frédéric Poisson. La pisciculture !

M. Philippe Gosselin. La pisciculture, nous dit M. Poisson, à dessein ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Et qu’en dit M. Goujon ?

M. Philippe Gosselin. Si le code civil doit évoluer pour prévoir un nouveau statut de l’animal, cela ne peut se faire qu’après une réflexion globale sur le droit des biens, et non pas en catimini comme c’est le cas ici. Encore une fois, nul ne conteste la nécessité de lutter contre la cruauté et la maltraitance à l’égard des animaux. Tout le monde reconnaît la légitimité de ce combat. Cependant, cet article fait franchir une étape supplémentaire dont les effets ne sont pas évalués. C’est cela qui fait craindre le pire. Si mon amendement n’est que de suppression, c’est qu’à ce stade de la procédure, je ne peux pas vous soumettre un amendement de proposition, ce que j’aurais évidemment préféré. Quoi qu’il en soit, cet article, loin de résoudre des problèmes, en crée.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement no 6.

M. Marc Le Fur. Philippe Gosselin a parfaitement présenté la situation. Le problème n’est pas de légiférer sur l’animal, mais de le faire dans le code civil, qui est le code de la personne et des relations personnelles, et du droit de propriété. Nous légiférons sans avoir organisé une quelconque concertation avec les éleveurs, qui sont choqués. Ils savent que cette évolution juridique sera utilisée demain par les adversaires de l’élevage pour contester certaines activités. Et j’exclus de mon propos les questions de gavage, d’élevage traditionnel, de corrida ou de chasse : l’élevage économique lui-même peut être remis en cause par une telle disposition.

Paradoxalement, cette remise en cause interviendrait au moment même où des efforts considérables ont été réalisés en faveur du bien-être animal. J’en veux pour preuve ce qui s’est passé avec les porcs et les truies, qui sont désormais libres de leurs mouvements dans leurs stalles, ou encore avec les poules pondeuses, dont l’espace s’est sensiblement élargi, passant à 700 centimètres carrés alors qu’elles étaient auparavant très confinées. Ces évolutions ont coûté très cher aux éleveurs. Sans en faire tout une histoire, ils ont investi, ils ont fait bouger les choses et ils se sentent aujourd’hui mis en cause par les évolutions dont la majorité a pris l’initiative. Certes, nous sommes dans une forme de compromis et nous avons évité des choses bien pires. Il n’en demeure pas moins que cette disposition est redoutable.

Je veux, pour finir, prendre un exemple qui fera la preuve de la bonne volonté des éleveurs : ce sont les professionnels de l’élevage qui sont à l’origine de la création d’un cahier des charges pour rendre les transports plus cohérents et plus respectueux de l’animal. Ce cahier sera adopté au niveau national et européen. Ils ne nous ont pas attendus pour le faire : sachons reconnaître leur initiative.

Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Capdevielle, rapporteure, pour donner l’avis de la commission.

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Je serai brève, parce que nous avons déjà eu de nombreux échanges sur ce sujet et que nous ne pouvons que nous répéter. Le but de cet article est de moderniser le code civil afin de le mettre en cohérence avec les dispositions du code rural et celles du code pénal, puisqu’il n’y avait pas dans notre code civil de définition juridique précise des animaux. Nous rapprochons ainsi le droit français des autres législations européennes, comme en Allemagne, en Suisse ou en Autriche, sans nullement remettre en cause quelque équilibre que ce soit dans notre code civil.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Absolument !

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Surtout, il n’y a aucun risque de confusion, monsieur Gosselin, puisqu’il ne s’agit que d’une modernisation et d’une mise en conformité de notre code civil avec la législation de l’Union européenne, laquelle reconnaît les animaux comme des êtres sensibles, dans l’article 13 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Les distinctions traditionnelles du code civil sont toujours les mêmes : les personnes et les biens. Rien n’est modifié. Nous ne créons pas une catégorie juridique sui generis qui s’appliquerait aux animaux. Le régime juridique qui leur est applicable est toujours le même : celui des biens. Les règles relatives à la propriété restent exactement les mêmes et elles continueront de s’appliquer à l’animal, qu’il s’agisse de vente ou de succession. L’agriculture n’est pas touchée, pas plus que l’élevage, la pisciculture, la chasse, la pêche, la consommation de viande ou les pratiques d’élevage, d’abattage, de gavage et de corrida, lesquelles sont aujourd’hui toutes conformes aux textes en vigueur. Ce n’est donc pas la peine de chercher à vous faire peur.

M. Marc Le Fur. À quoi cela sert-il alors ?

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Rien n’est remis en cause. Ce texte ne pose aucune difficulté. Et, comme me le souffle le président de la commission des lois, vous faites preuve ici d’un sacré conservatisme… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, pour donner l’avis du Gouvernement.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il est défavorable. Nous avons déjà eu ce débat à deux reprises. Il a été approfondi, de part et d’autre. Il y a incontestablement un désaccord et une divergence d’appréciation, que nous assumons de part et d’autre aussi. Nous souhaitons maintenir cette disposition dans le texte.

M. Philippe Gosselin. C’est un problème de conséquences !

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Lefebvre.

M. Frédéric Lefebvre. De fait, nous avons déjà eu un long débat à ce sujet. C’est Jean Glavany qui a déposé cet amendement, sur lequel beaucoup de nos collègues s’accordent, sans qu’il y ait toutefois unanimité. J’avais moi-même déposé une proposition de loi en ce sens et nous sommes nombreux à avoir signé de telles propositions de loi, venant de tous les bancs de cet hémicycle.

Une argumentation assez fréquente vise à jouer sur les peurs. Je comprends qu’un certain nombre de nos compatriotes puissent en éprouver, et il faut donc que nous les rassurions ensemble – Mme la rapporteure a commencé à le faire. Cet article propose une simplification, sans laquelle il y a une incohérence entre le code rural et le code civil. Or le code rural s’applique à nos amis agriculteurs, qui, Marc Le Fur l’a parfaitement rappelé, ont fait évoluer leurs pratiques, parfois même en avance sur d’autres acteurs de la société française. Il n’y a donc aucune inquiétude à avoir du fait que le droit civil soit aligné sur les dispositions qui existent déjà dans le code rural !

Notre devoir à tous est de rassurer nos compatriotes aujourd’hui inquiets. Je regrette évidemment que nous soyons amenés à recommencer ce débat, et surtout qu’il n’y ait pas eu de vote conforme au Sénat sur cette disposition qui a toute sa place dans le texte.

Mme la présidente. Merci, monsieur Lefebvre…

M. Frédéric Lefebvre. Je conclus en soulignant combien il est important de notre part à tous, alors que la fondation 30 millions d’amis a été à l’origine d’une pétition signée par au moins 250 000 personnes et que de nombreux intellectuels ont rappelé la grande incohérence dans notre droit sur le sujet, de corriger cette erreur.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Glavany.

M. Jean Glavany. L’argument d’une modification introduite en catimini me fait sourire : ceux qui me connaissent savent que je ne suis pas un habitué du catimini ! Nous avons procédé en respectant le règlement de l’Assemblée nationale, à toutes les étapes de la procédure.

Quant à l’argument sur l’absence de débat, je rappelle que nous ne cessons de débattre de ce sujet, depuis des mois, et qu’à chaque fois on regrette qu’il n’y ait pas eu de débat ! Non, il y a bien eu un débat de fond,…

M. Philippe Gosselin. Pas avec les professionnels !

M. Jean Glavany. …que vous poursuivez encore aujourd’hui, avec un acharnement que je n’oserai qualifier de thérapeutique.

S’agissant de la concertation, elle a eu lieu. Frédéric Lefebvre, qui a parlé avec une sagesse remarquable à laquelle je tiens à rendre hommage, ce qui prouve mon absence totale de sectarisme (Sourires), a évoqué l’appel de vingt-quatre intellectuels de très haut rang, qui nous ont invités à corriger une incohérence, et la pétition lancée par une grande fondation, qui a recueilli des centaines de milliers de signatures, sans compter le sondage montrant que 90 % des Français sont favorables à cette disposition.

Si vous n’avez pas mené de concertation avec les éleveurs et la FNSEA, moi, je l’ai fait. J’ai eu une conversation avec le président de la FNSEA, parce qu’il est vrai qu’il existait une inquiétude, et celle-ci a été ainsi balayée.

Cet article a toute sa place dans ce projet, parce que c’est une disposition d’harmonisation, de simplification et de cohérence. Beaucoup l’ont dit, à commencer par notre rapporteure avec beaucoup de pertinence : il y avait une incohérence entre le code civil, le code pénal et le code rural, et nous y mettons fin. C’est une avancée modeste en termes de droit, mais de grande portée symbolique. Et le droit peut aussi, de temps en temps, relever du symbolique pour faire avancer les idées.

(Les amendements identiques nos 5 et 6 ne sont pas adoptés.)

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