Élevage

Au Sénat, la majorité rejette l'ensemble des articles de la PPL Benbassa sur l'élevage intensif : moratoire sur l'élevage intensif, limitation des transports, fin du broyage des poussins...

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Broyage des poussins Élevage intensif Transport Nationale

Séance du 26 mai 2021 (compte rendu intégral des débats)
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Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Griset, ministre délégué. L’identification des pratiques et des initiatives en faveur du bien-être animal est déjà un travail entrepris par le Gouvernement.

Le ministère de l’agriculture et de l’alimentation a demandé au Centre national de référence pour le bien-être animal de dresser un état des lieux des pratiques douloureuses en élevage, en vue de travailler sur des solutions de rechange.

Par ailleurs, la loi Égalim comporte plusieurs mesures visant à lutter contre la maltraitance animale, comme l’extension du délit de maltraitance animale aux établissements d’abattage et de transport d’animaux vivants, ou encore le doublement des peines.

Enfin, rappelons que le Gouvernement a choisi de mobiliser 100 millions d’euros du plan de relance en faveur du bien-être animal.

Votre demande paraît donc satisfaite, monsieur le sénateur ; je vous invite donc à retirer votre amendement, faute de quoi l’avis du Gouvernement serait défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.

M. Joël Labbé. On avait compris avant même le début de ce débat que le texte serait rejeté.

Il n’en reste pas moins que cet amendement du groupe socialiste, présenté par Franck Montaugé, a tout à fait sa raison d’être. On nous objecte que le Gouvernement mène déjà de telles études, mais si le Parlement réclame un tel rapport, c’est bien parce qu’il s’agit d’un vrai sujet et parce que ce document serait dans l’intérêt de tout le monde, y compris des éleveurs.

Vous invoquez la cohérence, madame la rapporteure, et votre opposition à notre proposition de loi dans son ensemble, mais s’il ne restait que cela de ce texte, ce serait autant qui serait inscrit dans la loi. Ce n’est pas un caillou dans la chaussure du Gouvernement, mais un véritable sujet, sur lequel il faut travailler.

Il s’agit pour le Parlement de demander un engagement du Gouvernement ; nous serions là pleinement dans notre rôle.

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Bazin, pour explication de vote.

M. Arnaud Bazin. Puisqu’il est question de rapport, je vous signale, monsieur le ministre, que l’article 69 de la loi Égalim, entrée en vigueur le 2 novembre 2018, prévoyait la remise au Parlement, sous dix-huit mois, d’un rapport sur la capacité de la spectrométrie, afin d’évaluer la pertinence de cette technologie pour éviter le broyage des poussins et canetons, ainsi que sur les conditions de transport des animaux, deux questions qui sont abordées dans la présente proposition de loi.

À ma connaissance, aujourd’hui, ce rapport n’a pas été remis au Parlement.

Demander des rapports est donc sûrement très intéressant, pour certains d’entre eux du moins, mais encore faudrait-il qu’ils soient remis au Parlement dans des délais décents !

Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Ici, on est au Parlement : j’entends bien ce que dit notre collègue Laurent Duplomb, mais je ne crois pas qu’il y ait besoin d’être agriculteur ou éleveur pour parler d’agriculture.

Mme Frédérique Puissat. Ce n’est pas ce qu’il a dit !

M. Fabien Gay. Je l’espère, du moins, car il y aurait sinon bien des questions que le Parlement aurait du mal à traiter, personne n’ayant d’expérience en la matière…

Ainsi, le groupe communiste a un avis tranché sur l’impôt de solidarité sur la fortune – nous sommes plutôt favorables à son rétablissement –, alors qu’aucun d’entre nous ne l’a jamais payé ! (Rires et applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)

Mme Frédérique Puissat. Mais M. Mélenchon si !

M. Fabien Gay. Monsieur le ministre, on sait bien que cette demande de rapport est un amendement d’appel. Ce que nous vous demandons, c’est un travail en commun.

M. Bazin a raison : la loi Égalim, dont un chapitre entier était consacré à cette question du bien-être animal, contient déjà un certain nombre de mesures en la matière – d’autres ont été rejetées –, mais on voit bien que leur application ne va pas assez vite, notamment la remise du rapport prévu à l’article 69.

Nombre d’initiatives parlementaires ont été prises, beaucoup de propositions de loi ont été déposées, à l’Assemblée nationale comme ici, qui émanent de nombreux groupes. On voit bien qu’il s’agit d’une question de société ; on a bien ressenti dans les diverses interventions de la discussion générale, dans toute la diversité de notre assemblée, que chacun a envie de débattre de ces questions et de pousser ce sujet.

Enfin, monsieur le ministre, je tiens à vous dire qu’il n’y a pas eu de polémique ici sur la proposition de loi portée par le groupe La République En Marche à l’Assemblée nationale. La seule polémique qui a eu lieu est la vôtre, entre le Gouvernement et sa majorité.

En effet, voilà que la majorité affirme partout, notamment dans un journal qui paraît le dimanche matin – non pas l’Humanité Dimanche, mais Le Journal du dimanche –, que ce serait le Sénat qui bloquerait ! Le Sénat ne bloque nullement ce texte : je rappelle que si le groupe RDPI veut faire inscrire cette proposition de loi à l’ordre du jour, il dispose d’un temps réservé pour ce faire ; si le Gouvernement veut la reprendre, il peut tout à fait aussi en demander l’examen.

C’est à vous qu’il appartient d’aller au bout de ce débat et de soumettre à l’examen du Sénat cette proposition de loi !

Pour notre part – je m’exprime là au nom de mon groupe et, au-delà, de toute la gauche –, nous serons ravis d’en débattre et de proposer certains amendements, y compris des propositions que nous avions déjà portées lors de l’examen de la loi Égalim.

Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.

M. Franck Montaugé. J’ai bien entendu l’invitation de M. le ministre à retirer mon amendement et je vais y répondre : non, je ne le retirerai pas !

Je crois en effet que tout le monde, sur nos travées, est d’accord avec son objet. Je regrette la position un peu dogmatique, si vous me passez l’expression, de nos collègues de droite, qui sont d’accord, mais qui refusent de l’adopter parce qu’ils sont contre le texte dans son ensemble. Selon moi, il ne faut pas forcément lier les deux.

Quant à votre réponse, monsieur le ministre, je la trouve surréaliste. J’ai peut-être raté des épisodes ou des documents : je vous invite donc à me faire passer, s’ils existent, les éléments que vous évoquez et que nous appelons de nos vœux dans cet amendement. À vrai dire, je suis à peu près sûr qu’ils n’existent pas ou que, s’ils existent, c’est de manière extrêmement partielle et minime par rapport à l’ambition de cet amendement, au travers duquel nous vous demandons un état des lieux et des orientations.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Ce rapport a tout lieu d’être ! Alors que se pose la question du bien-être animal, cette notion n’a aucune définition bien établie : le rapport devrait aider à l’éclaircir.

Bien entendu, les agriculteurs ne maltraitent pas leurs animaux par plaisir ; assurer le bien-être de leur élevage est pour eux fondamental. Mais un agriculteur a beau avoir beaucoup d’amour pour ses animaux, s’il le partage entre 80 000 volailles, cela fait en fin de compte peu d’amour pour chacune d’elles…

Où se trouve le bien-être des poulets qui sont élevés pendant six semaines seulement, parce qu’a été divisée par trois leur durée de vie ?

Nous sommes tous d’accord pour dire que notre élevage industriel doit évoluer. Et si nous continuons à nous comparer sans cesse au moins-disant, nous serons toujours débordés. Il faut protéger nos élevages ! Nous avons les moyens de lutter contre la concurrence déloyale ; il ne reste plus qu’à les mettre en œuvre. Ce rapport est indispensable. Il sera la première étape pour définir plus précisément la notion de bien-être.

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Je voudrais faire un petit point de méthode, pour rétablir un peu de cohérence.

Nous pouvons nous faire plaisir en décidant de voter ce rapport, qui sera ou non remis par le Gouvernement. Mais, d’ici à une demi-heure, le texte ne sera pas adopté…

Mme Esther Benbassa. Pourquoi ne le serait-il pas ?

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Par égard pour vous, madame Benbassa, nous n’avons pas déposé d’amendement visant à la suppression des articles 1er, 2 et 3.

A priori, la loi ne sera pas votée à l’issue de la séance : ce débat sera donc inutile.

Permettez à Mme la rapporteure, ainsi qu’à moi-même, de jouer la cohérence et d’émettre – avec regret, parce que nous sommes d’accord avec vous ! – un avis défavorable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. En termes de méthode, même si nous votons contre chacun des articles, il nous restera à la fin à voter sur les articles additionnels qui auront été adoptés…

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. C’est vrai !

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.

M. Guillaume Gontard. Si je vous comprends bien, madame la présidente de la commission, nous pourrions arrêtez nos débats tout de suite ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Exactement !

M. Guillaume Gontard. Et nous pourrions le faire sur de nombreux textes déposés dans nos niches parlementaires ! Je perçois bien que le sujet ne vous intéresse pas. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Arnaud Bazin. Au contraire !

M. Guillaume Gontard. J’ai pourtant retenu de nos débats que le sujet était d’importance et que nous devions en discuter. À la fin, il sera procédé à un vote, qui sera peut-être négatif, mais peu importe ! Le simple fait d’en discuter, au travers de ces quelques amendements, satisfait le respect minimum que nous devons au travail parlementaire.

Si cet amendement devait être le seul à être adopté, soit ! Mais nous dire maintenant de terminer la discussion constitue, à tout le moins, un manque de respect pour le travail qui a été réalisé. (Mme Esther Benbassa applaudit.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 1.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Article additionnel avant l’article 1er - Amendement n° 1
Dossier législatif : proposition de loi pour un élevage éthique, juste socialement et soucieux du bien-être animal
Article 2
Article 1er

Après le premier alinéa de l’article L. 214-11 du code rural et de la pêche maritime, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« La mise en production de tout bâtiment nouveau ou de toute extension d’un bâtiment d’élevage d’animaux ne respectant pas les modalités d’application fixées par le décret mentionné au dernier alinéa du présent article, limitant les densités de peuplement et permettant l’accès à un espace de plein air des animaux adapté à leurs besoins, est interdite à compter du 1er janvier 2026.

« L’exploitation de tout élevage dans un système de production n’offrant pas aux animaux de rente un accès à un espace de plein air adapté à leurs besoins et ne respectant pas une limitation des densités de peuplement est interdite à compter du 1er janvier 2040. »

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er.

(L’article 1er n’est pas adopté.)

TITRE II

Mettre fin aux pratiques génératrices de souffrances animales

Article 1er
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Article 3
Article 2

L’article L. 214-13 du code rural et de la pêche maritime est ainsi rétabli :

« Art. L. 214-13. – Pour les transports d’animaux se déroulant entièrement sur le territoire français, la durée maximale de voyage des animaux domestiques est fixée à huit heures pour les espèces bovine, ovine, caprine, porcine et les équidés et à quatre heures pour les volailles et les lapins.

« Toutefois, une autorisation préalable peut être délivrée pour un voyage d’une durée supérieure, dans une limite maximale de douze heures de transport, par un vétérinaire qui atteste de la capacité des animaux à réaliser ce voyage sans risque d’être blessés ou de subir des souffrances inutiles. »

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 2.

(L’article 2 n’est pas adopté.)

Article 2
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Article additionnel avant l’article 4 - Amendement n° 3 rectifié bis
Article 3

Après l’article L. 214-10 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un article L. 214-10-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 214-10-1. – L’élimination, sauf en cas d’épizootie, des poussins mâles et des canetons femelles vivants est interdite à compter du 1er janvier 2022. »

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 3.

(L’article 3 n’est pas adopté.)

TITRE III

Accompagner les acteurs dans la transition

Article 3
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Article 4 (début)
Article additionnel avant l’article 4

Mme la présidente. L’amendement n° 3 rectifié bis, présenté par MM. Cabanel, Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin et MM. Guiol et Requier, est ainsi libellé :

Avant l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

En cas de confiscation du cheptel d’un agriculteur à l’issue d’un contrôle par les services vétérinaires de l’État, l’accompagnement social et psychologique relevant de la cellule de prévention pluridisciplinaire de la mutualité sociale agricole est automatiquement déclenché au bénéfice de l’agriculteur concerné, dans des conditions définies par décret.

La parole est à M. Henri Cabanel.

M. Henri Cabanel. Le bien-être de l’agriculteur, tout comme celui de l’animal, constitue une cause légitime.

Cet amendement a pour objet que, lorsqu’un contrôle de l’administration ayant pour but de confisquer le cheptel d’un éleveur est effectué, une aide psychologique soit automatiquement déclenchée à l’adresse de l’éleveur, grâce aux outils aujourd’hui proposés par la MSA.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Christine Chauvin, rapporteur. Il s’agit d’un sujet très important, que Mme Ferrat et vous-même connaissez très bien, pour l’avoir étudié dans votre rapport sur la détresse des agriculteurs.

L’amendement a pour objet que, concrètement, la MSA active un accompagnement automatique en cas de confiscation du cheptel d’un agriculteur, événement particulièrement traumatisant. Cette idée mérite d’être étudiée par le Gouvernement, comme le rapport le préconisait déjà, notamment via son plan d’action et la convention d’objectifs et de gestion avec la MSA.

Cela peut être mis en œuvre dès demain, sans attendre qu’une loi soit votée. Je souhaiterais donc entendre l’avis du Gouvernement sur la question. Toutefois, par construction, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement, compte tenu de son appel à rejeter le texte.

J’y insiste, il me semble que cette mesure peut être instituée très rapidement, sans recourir à la loi : nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour que les choses puissent avancer avec la MSA.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Griset, ministre délégué. L’amendement tend à souligner la nécessité d’accompagner socialement et psychologiquement les agriculteurs qui font l’objet d’une confiscation d’un cheptel à la suite d’un contrôle vétérinaire.

Le Gouvernement partage la nécessité de sensibiliser les corps de contrôle à ces risques, en leur permettant, lorsqu’ils décident et exécutent une telle décision de confiscation, de délivrer une information complète aux agriculteurs concernés sur les aides psychologiques et économiques dont ils peuvent bénéficier.

Le plan d’action devrait ainsi prévoir l’identification de référents départementaux économiques et sociaux, permettant de mieux coordonner les actions sur les territoires. Par ailleurs, ces questions, qui relèvent davantage de l’organisation des aides et de l’accompagnement des cellules pluridisciplinaires de la MSA, ne nécessitent pas de légiférer sur le sujet, ni de prendre un texte réglementaire.

Pour ces raisons, et parce qu’il est pleinement mobilisé à travers ce plan d’action pour mener des actions spécifiquement en faveur des agriculteurs, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 3 rectifié bis.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Article additionnel avant l’article 4 - Amendement n° 3 rectifié bis
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Article 4 (fin)
Article 4

I. – Il est créé un fonds de soutien à la transition pour le bien-être animal destiné aux exploitants agricoles et aux acteurs de l’abattage, notamment ceux dont l’activité est sensiblement affectée par la présente loi, afin d’accompagner financièrement la transformation de leur activité. Ces aides visent prioritairement à soutenir et développer l’abattage de proximité et notamment l’abattage mobile ainsi que les dispositifs permettant la transition vers des systèmes d’élevage garantissant l’accès à un espace de plein air des animaux dans les conditions établies par la présente loi.

Un décret, pris conjointement par les ministres chargés de l’agriculture et de l’environnement, définit au plus tard six mois après la promulgation de la présente loi les modalités de mise en œuvre de ces dispositifs. Ce décret définit notamment les conditions d’éligibilité aux aides qui en sont issues et les modalités de gestion du fonds.

II. – Les éventuelles conséquences financières résultant pour l’État de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création de taxes additionnelles aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Mme la présidente. L’amendement n° 2, présenté par MM. Montaugé et Kanner, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Ces aides visent également à mettre en œuvre des mesures de soutien et d’accompagnement psychologiques pour les agriculteurs et les acteurs de l’abattage afin de leur apporter une écoute et leur proposer des mesures améliorant leur bien-être au travail.

La parole est à M. Franck Montaugé.

M. Franck Montaugé. En réalité, cet amendement du groupe SER tend à s’inscrire dans les travaux beaucoup plus larges menés par Henri Cabanel et Françoise Férat, que je salue.

Ces travaux font désormais référence, et c’est une excellente chose. Pour ma part, j’ajouterais la situation particulière des opérateurs d’abattoirs, qui, indépendamment de la question du bien-être animal, travaillent dans des conditions extrêmement difficiles. Ils sont en permanence confrontés à la mort ; la donner fait partie de leur métier.

Je ne vais pas citer de nouveau des références littéraires et philosophiques, mais certains considèrent que les abattoirs ont quelque chose à voir avec l’univers concentrationnaire, et je pèse mes mots ; des penseurs de très haut niveau l’ont souligné. Comme la plupart d’entre nous, mes chers collègues, j’ai visité des abattoirs et je me suis rendu compte de ce qu’ils représentaient.

Je souhaiterais donc qu’une aide ou des accompagnements particuliers soient mis en œuvre au bénéfice de ces opérateurs, en même temps que pour les éleveurs qui, eux aussi, sont confrontés à des conditions particulièrement difficiles.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Christine Chauvin, rapporteur. Par souci de cohérence avec les autres amendements, et compte tenu du sort qu’elle suggère de réserver au présent texte, la commission a émis un avis défavorable.

Comme l’explicite l’exposé des motifs, il s’agit d’un amendement d’appel, qui établit un lien très juste entre bien-être animal, bien-être des éleveurs et bien-être des professionnels des abattoirs. Les mesures suggérées peuvent être mises en place dès aujourd’hui par le Gouvernement ; le ministre nous en parlera peut-être.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Griset, ministre délégué. Cette proposition rejoint pleinement la préoccupation du Gouvernement : la prévention du mal-être et du risque suicidaire est un enjeu majeur des politiques publiques de santé au travail.

S’appuyant, d’une part, sur le rapport du député Olivier Damaisin, et, d’autre part, sur les 63 recommandations formulées par la commission des affaires économiques du Sénat, dont les rapports étaient les sénateurs Ferrat et Cabanel, un plan d’action portant sur les moyens mis en œuvre par l’État en matière de prévention et d’accompagnement des agriculteurs en situation de détresse sera présenté par le ministère de l’agriculture dans les prochaines semaines.

Le plan de modernisation des abattoirs constitue également une formidable chance pour que les projets d’investissements améliorent réellement les conditions de travail et la protection animale, ces deux ambitions étant intimement liées.

Même s’il partage vos préoccupations, le Gouvernement, qui ne souhaite pas voir adopté l’article 4, ne peut donc qu’émettre un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 2.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je vais mettre aux voix l’article 4.

Mes chers collègues, je vous rappelle que, si cet article n’était pas adopté, il n’y aurait plus lieu de voter sur l’ensemble de la proposition de loi, dans la mesure où les quatre articles qui la composent auraient été rejetés ; il n’y aurait donc pas d’explications de vote sur l’ensemble du texte.

La parole est à M. Yves Bouloux, pour explication de vote sur l’article.

M. Yves Bouloux. Le groupe Les Républicains suivra l’avis de Mme la rapporteure, et cela pour plusieurs raisons.

Les éleveurs français sont les premiers à être soucieux du bien-être de leurs animaux, et les méfaits de certains ne doivent pas jeter l’opprobre sur toute une profession.

Ces dernières années, toutes les filières ont engagé des actions en faveur de l’amélioration des conditions d’élevage. Par exemple, l’Interprofession nationale porcine française, l’Inaporc, a mis en place le socle de base du porc français, qui intègre des critères de bien-être animal minimum – lumière, matériaux manipulables, abreuvement, etc.

Ces évolutions sont également accompagnées par les consommateurs. C’est particulièrement visible pour les œufs : une baisse significative des capacités de production des élevages en cage a été constatée au profit des autres types d’élevages, lesquels représentent désormais 53 % des poules pondeuses, contre 19 % en 2008.

Toutes ces avancées se sont faites sans recourir à la loi. Néanmoins, comme l’a expliqué Mme la rapporteure, la meilleure échelle pour prendre des décisions destinées à encadrer certaines pratiques d’élevage, de transport et d’abattage, comme le propose le texte, c’est l’Union européenne. Celle-ci y travaille déjà !

Enfin, si, par certains aspects, nous partageons la philosophie de ce texte, nous sommes aussi soucieux du bien-être des agriculteurs, qui sont actuellement soumis à d’importantes difficultés économiques, ainsi qu’à un agribashing permanent et insupportable.

Notre groupe, en grande majorité, votera contre la proposition de loi ; certains d’entre nous s’abstiendront.

Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote sur l’article.

Mme Esther Benbassa. Je constate, avec regret, que notre assemblée est très loin des demandes de la population, des jeunes et des consommateurs. En effet, l’avenir ne peut qu’être favorable à l’adoption de ces quatre articles.

Ce texte est certainement pionnier, mais, par rapport à l’Allemagne ou à d’autres pays, nous sommes en retard. Notre initiative n’a pas de quoi nous enorgueillir !

La présente proposition de loi est le fruit d’un travail d’équipe. Je remercie mes collègues Joël Labbé et Daniel Salmon : nous avons, ensemble, travaillé avec les associations, les syndicats d’agriculteurs et toutes les autres personnes s’intéressant à ces sujets.

Notre travail est à l’image de ce qui se passe dans la société. Comment pouvons-nous, aujourd’hui, être si loin de la réalité et de ses exigences ? Il semble qu’un certain conservatisme nous empêche de penser ces questions, pourtant inéluctables dans l’avenir.

Avez-vous eu peur du débat, en refusant ce texte ? La question mérite d’être posée. Si nous siégeons dans cette assemblée, c’est non pas pour rejeter les textes qui nous sont soumis, mais pour discuter, avancer et préparer l’avenir.

Le débat d’aujourd’hui est loin de ce qui devrait nous caractériser : une assemblée doit ouvrir la voie à l’avenir ! Or nous demeurons freinés par un certain conservatisme.

Il ne s’agit pas ici de défendre les agriculteurs, car nous avons conçu ce texte dans le trio « bien-être animal, bien-être des agriculteurs et bien-être des consommateurs ». Nous sommes donc bien tristes de constater que, une fois de plus, le Sénat est en retard.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote sur l’article.

M. Daniel Salmon. La discussion de ce texte me laisse un grand regret.

Mme Frédérique Puissat. Cela va passer… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Daniel Salmon. Il s’agit d’une occasion manquée de faire évoluer l’élevage agro-industriel vers un système plus respectueux à la fois des agriculteurs et du bien-être animal.

Mes collègues et moi-même avons essayé d’écrire une loi équilibrée, nuancée, bien loin de ce que vous appelez l’agribashing. Nous ne versons nullement dans l’agribashing. C’est vous qui faites des amalgames et qui utilisez cet argument pour couper court au débat !

Avec la date de 2040, nous laissions pourtant du temps à la réalisation de nos propositions. Il me semble que, en dix-neuf ans, il est tout à fait possible de faire évoluer un modèle ! En refusant cette évolution, vous êtes en train, au lieu de sauver l’élevage, d’en condamner toute une partie. En effet, beaucoup d’éleveurs ne pourront pas se défendre face à de la viande de synthèse, fabriquée en laboratoire.

Mme Marie-Christine Chauvin, rapporteur. Ça, c’est un autre débat !

M. Daniel Salmon. Nous avons plusieurs fois parlé de la qualité de la viande. Mais quelle est donc la qualité des élevages industriels de poulets de six semaines, dont la viande « spaghetti » s’effiloche ?

Avec le moins-disant, on peut même faire pire que les États-Unis : élever une semaine de moins encore un poulet, dont les muscles ne fonctionneront pas et dont la viande n’aura aucune valeur gustative. Pis encore, nous pourrions élever des cellules de muscles hors-sol, en laboratoire !

Si nous n’évoluons pas, l’élevage en France mourra bientôt.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote sur l’article.

M. Guillaume Gontard. Je suis très surpris que l’on nous accuse de faire de l’agribashing, d’être radicaux, de stigmatiser, de jeter l’opprobre ou de faire des amalgames. Je me demande, en définitive, si vous avez lu ce texte jusqu’au bout,…

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Franchement, vous exagérez ! Respectez le travail de la rapporteure !

M. Guillaume Gontard. … car nous sommes très loin de ce que vous nous imaginez être. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

Beaucoup d’entre nous vivent dans des territoires où se pratique l’élevage et constatent, tous les jours, que le petit élevage de plein air disparaît. Vous l’avez tous reconnu ici : nombre éleveurs sont en grande difficulté.

Monsieur Duplomb, vous nous dîtes être éleveur, ce qui vous permet de parler du sujet. Mais j’ai l’impression que les mesures proposées – favoriser l’élevage de plein air, interdire le broyage, limiter les transports à huit heures, accroître la consommation locale, instituer un fonds de soutien pour les paysans… –, vous les appliquez déjà ! C’est tout à fait vers ce type d’élevage que nous voulons tendre.

Il s’agit non pas de favoriser l’élevage industriel, qui n’est pas créateur d’emplois et qui se trouve dépourvu d’impact local, mais de revenir à une production locale, avec des paysans qui sont fiers de ce qu’ils réalisent.

Tous les jours, sur les marchés, partout dans nos communes, on peut voir des consommateurs heureux de discuter avec leur éleveur, de manger des viandes de qualité et des produits bio. C’est bien le sens de ce texte ! Pourquoi ne l’avez-vous pas compris ?

J’ai entendu parler de la grippe porcine H1N1. Il y a peu, des éleveurs de porcs en plein air m’ont informé que toutes les mesures sanitaires prises actuellement l’étaient en faveur de l’agriculture industrielle.

Or nous savons justement que l’élevage en extérieur est le plus résilient vis-à-vis de la grippe porcine. La propagation de cette maladie est précisément due aux distances de transport. Nous avons donc bien plus intérêt à défendre l’élevage de proximité. C’est ce que tout le monde attend et c’est ce à quoi nous nous sommes livrés à travers ce texte.

Je déplore que le vote, aujourd’hui, soit totalement dogmatique. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Bazin, pour explication de vote sur l’article.

M. Arnaud Bazin. Madame Benbassa, monsieur Gontard, si nous ne votons pas cette proposition de loi, ce n’est pas parce que nous n’en partageons pas les objectifs.

Tous, ici, désirons converger vers les valeurs d’un élevage plus respectueux des animaux, qui, enfin, garantirait à nos agriculteurs des revenus décents.

Toutefois, il a été amplement démontré que la proposition de loi n’était pas opérationnelle. (Protestations sur les travées du groupe GEST.)

Mme Esther Benbassa. Pourquoi ?

M. Arnaud Bazin. La question est multidimensionnelle et complexe.

Mme Esther Benbassa. Tout est complexe !

M. Arnaud Bazin. Si nous faisons abstraction des échelons européen et international et si nous ne prenons pas en compte ni la réalité du comportement des consommateurs ni la longue évolution qui sera nécessaire pour modifier les comportements alimentaires, au travers d’une éducation qui s’y attaque une bonne fois pour toutes, rien de ce que l’on fera ne sera utile !

Tout cela devrait être défendu par le Gouvernement au travers d’un projet de grande ambition, sur une longue durée et via des lois-cadres. Ce n’est certainement pas une proposition de loi de quatre articles qui réglera cette question !

Nous sommes non pas dogmatiques, mais pragmatiques, et nous constatons tout simplement que cette proposition de loi est inopérante. (Protestations sur les travées du groupe GEST.) Toutefois, je concède très volontiers que ses objectifs doivent être poursuivis, avec acharnement et détermination. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote sur l’article.

M. Fabien Gay. On fait souvent le reproche à mes collègues écologistes d’être trop radicaux ou de vouloir une écologie punitive ; ce sont des mots que l’on entend régulièrement. Mais, pour le coup, ils ont déposé une proposition de loi qui évite ces critiques !

J’entends ce que dit notre collègue Bazin sur la nécessité de nous inscrire dans un temps long. Pour ma part, je pense que cette transition se fera, non pas contre ou sans les agriculteurs, mais avec eux. Or on leur a imposé un modèle hyperproductiviste, qui, aujourd’hui, ne leur garantit aucun revenu décent.

L’article 1er prévoit d’interdire l’élevage intensif non pas demain matin, mais à l’horizon de 2040. Dix-neuf ans ne vous paraissent pas suffire : dites-nous donc quelle perspective vous satisfait !

Mme Esther Benbassa. Un siècle ! (Sourires sur les travées du groupe GEST.)

M. Fabien Gay. L’article 4, quant à lui, prévoit d’accompagner les agriculteurs avec un fonds dédié. Ce n’est ni radical ni punitif ; cela ne se fait pas contre ou sans les agriculteurs, mais bien avec eux !

Voilà cinquante ans que les agriculteurs se voient imposer un modèle productiviste. Si nous voulons tendre vers un modèle paysan, plus respectueux et plus éthique, il faudra bien les accompagner.

Chers collègues, je vous ai sentis parfois un peu mal à l’aise : alors que vous partagiez l’objectif des amendements qui vous ont été proposés, vous avez voté contre ! Comme je l’ai dit ce matin en commission, il y a un véritable problème avec les propositions de loi déposées par les groupes minoritaires et d’opposition ; la discussion d’aujourd’hui en est l’illustration.

Je pense que les évolutions dont nous débattons aujourd’hui ont déjà commencé dans la société. Cette proposition de loi constitue une première étape et nous allons continuer dans cette direction, car, plus largement, c’est la question du rapport à la nature et aux autres qui se pose.

La question de l’animal ne se résume pas seulement à l’alimentation. Elle englobe aussi la situation des animaux exploités dans les cirques et dans les parcs d’attractions, leur réification, ainsi que notre rapport aux animaux de compagnie… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Marie-Christine Chauvin, rapporteur. C’est un autre sujet !

M. Fabien Gay. C’est un débat de société, dans lequel est inclus l’élevage éthique. Nous y serons confrontés de nouveau.

Monsieur le ministre, sans polémique, nous attendons soit que le Gouvernement, soit que les sénateurs affiliés à La République En Marche, grâce à leur niche parlementaire, se saisissent enfin de cette question. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote sur l’article.

M. Laurent Duplomb. Je souhaite répondre à l’interpellation qui m’a été faite.

L’article 1er de cette proposition de loi ne peut pas être appliqué.

Mme Esther Benbassa. Pourquoi ?

M. Laurent Duplomb. Comme le précise le rapport, élever tous les porcs de France en plein air supposerait de mobiliser grosso modo l’équivalent de la surface d’un département ! (M. Fabien Gay s’exclame.)

Permettez-moi d’apporter quelques éléments complémentaires à ceux qui ne connaissent pas bien ces questions : installer des élevages de porcs en plein air implique de procéder à un labourage complet de la parcelle et entraîne une érosion à chaque orage : c’est la disparition totale de la surface de terre sur cet emplacement. Ce n’est pas du dogmatisme, c’est la réalité. Il n’est pas possible d’élever tous les porcs en plein air !

Si l’on va au bout de la logique et si l’on impose cette obligation aux éleveurs, il n’y aura plus d’élevages de porcs en France ou il en restera très peu. Comme l’a souligné Arnaud Bazin, leur consommation sera réservée à une minorité qui pourra se payer ce luxe, pendant que les autres, c’est-à-dire nous, ne mangeront que du porc élevé ailleurs, selon des méthodes bien pires que celles que nous appliquons. (M. Daniel Salmon s’exclame.)

M. Fabien Gay. C’est pourquoi il faut refuser le CETA et le Mercosur !

M. Laurent Duplomb. Cela ne signifie pas que des évolutions ne sont pas possibles. (M. Fabien Gay proteste.)

Monsieur Gay, je veux bien que vous m’expliquiez comment cela se passerait dans votre département, mais soyons raisonnables : vous êtes sénateur de la Seine-Saint-Denis ! (Exclamations sur les travées du groupe GEST.)

J’évoquerai maintenant l’exemple de mon élevage. Lorsque je fais pâturer mes vaches, je les divise en deux lots : le premier lot est en début de lactation, le second en fin de lactation. Je fais sortir cinquante vaches, j’en maintiens vingt-cinq à l’intérieur et j’organise une rotation : lorsqu’une vache entre, une autre sort.

Or vous voulez fixer une règle dogmatique et imposer l’élevage de tous les animaux en plein air ! Comment faire quand vingt-cinq vaches restent à l’intérieur et que cinquante sortent ? (Protestations sur les travées du groupe GEST.)

C’est exactement ce que prévoit la proposition de loi ! L’avez-vous lue ? (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)

En 2026, tout projet de construction de bâtiment doit prévoir un accès des animaux à un espace de plein air. En 2040, tous les animaux doivent avoir accès à un espace de plein air. C’est vous qui avez rédigé ce texte, pas moi ! Il ne faut tout de même pas faire dire à ce texte l’inverse de ce qui y figure. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour explication de vote sur l’article.

Mme Nadia Sollogoub. Dans le département de la Nièvre dont je suis l’élue, les éleveurs tentent de survivre en exportant les broutards en Italie. Si je leur dis demain qu’ils ne pourront plus le faire, je leur casserai définitivement le moral.

Je partage pleinement les propos d’Arnaud Bazin : ce texte est totalement lacunaire. Là encore, je relaie la parole des éleveurs : certains d’entre eux me font part de la souffrance qu’ils ressentent lorsqu’ils voient leurs bêtes partir à l’abattoir et être abattues sans étourdissement, alors qu’ils ont mis tant d’énergie à les élever dans de bonnes conditions. On ne peut pas parler de bien-être animal sans évoquer ce problème !

Madame Benbassa, vous nous dites que nous ne sommes pas courageux. Or le texte n’aborde pas le sujet essentiel qu’est l’abattage sans étourdissement. C’est vraiment énorme ! (Mme Esther Benbassa s’exclame.)

Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote sur l’article.

M. Franck Montaugé. À l’ère de l’anthropocène, puisque nous en sommes à ce stade de l’histoire de l’humanité, toutes les filières économiques et l’ensemble de la population sont, partout dans le monde, contraintes d’évoluer. Il nous faut partir de ce constat.

À cet égard, le texte qui nous est proposé contient des propositions et des orientations dont nous avons discuté. Quelquefois, on n’est pas d’accord ; quelquefois, on soutient qu’on ne l’est pas, alors même qu’on l’est, mais peu importe…

Le problème, ce n’est ni l’agriculture ni les agriculteurs. Face aux enjeux auxquels nous sommes confrontés, je suis intimement convaincu que l’agriculture et les agriculteurs sont au contraire la solution, à condition qu’on accompagne ces derniers et qu’on fasse évoluer certaines de leurs pratiques – je dis : « certaines », car il ne faut pas non plus généraliser.

Le Gouvernement mène des actions dans ce sens. Pour autant, monsieur le ministre, je ne suis pas certain que celles-ci soient à la hauteur des enjeux et de l’urgence qu’il y a à agir. Quand je parle d’urgence, je pense aux agriculteurs et aux éleveurs dont on a tous parlé ici, que l’on connaît dans nos territoires et qui sont en souffrance. Eux n’ont pas le temps de voir à dix ans ou à vingt ans : pour certains, l’horizon, c’est la semaine prochaine ou le mois prochain, rarement quelques années !

Telle est la situation à laquelle il nous faut faire face. C’est pourquoi il faut aller beaucoup plus loin qu’on ne le fait pour notre agriculture et pour accompagner ses transformations.

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote sur l’article.

M. Guy Benarroche. Nous sommes tous d’accord sur le constat, à une variante près. Pour sauver l’élevage en France, les décisions en faveur d’un élevage éthique et des éleveurs en général, c’est maintenant qu’il faut les prendre ! Nous n’avons pas le temps d’attendre.

De la même façon qu’il n’aurait pas fallu refuser de prendre des mesures contre le réchauffement climatique au moment opportun, il ne faut pas aujourd’hui refuser l’obstacle encore une fois en prétextant que nous avons le temps de prendre un certain nombre de mesures. Ne répétons pas la même erreur, c’est aujourd’hui qu’il faut sauver l’élevage !

Ce ne sont pas les amalgames qui ont mis l’élevage français dans la situation dans laquelle il se trouve aujourd’hui ; ce sont bien plutôt les modes d’élevage qui ont été mis en avant et presque imposés aux éleveurs par notre modèle de société. Ce sont eux qui sont la cause des problèmes de l’élevage français et, plus encore, de l’agriculture de façon générale. C’est cela qui nous a conduits à la situation que nous déplorons.

Nous sommes tous d’accord sur ce constat – car vous êtes d’accord ! – et nous en convenons, ce texte n’est pas parfait. Mais, mes chers collègues, si vous jugez cette proposition de loi lacunaire, pourquoi n’avez-vous pas fait comme Franck Montaugé ou Henri Cabanel et déposé des amendements afin de l’améliorer ? Nous en aurions discuté avec vous et nous aurions pu, ce soir, voter un texte qui nous aurait déjà permis de faire un premier pas pour sauver l’élevage français.

Je regrette que vous ayez préféré refuser l’obstacle, plutôt que de faire ce premier pas qui nous aurait permis d’avancer ensemble. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Rietmann, pour explication de vote sur l’article.

M. Olivier Rietmann. Si, comme vous le prétendez, monsieur Benarroche, ce n’était qu’une histoire d’obstacle, ce serait beaucoup plus simple ! Or la proposition de loi que vous nous présentez suscite de profonds désaccords, à la fois techniques et idéologiques.

Je rebondis sur les propos de Franck Montaugé : il ne s’agit pas de mettre en avant les agriculteurs pour qu’ils modifient leurs pratiques. Cela fait plus de trente ans qu’ils s’y emploient. Ils n’ont pas attendu que des lois soient votées pour le faire, ils le font d’eux-mêmes ! Un éleveur n’a pas besoin d’une loi pour se lever à deux heures du matin pour aider une vache à vêler et lui éviter de souffrir – et je pourrais citer des dizaines d’exemples de ce type.

Vous avez évoqué la durée des transports. Toutes les analyses scientifiques qui ont été réalisées montrent que celle-ci est sans effet sur le bien-être animal. Les deux moments où les bovins stressent, pour ne prendre que cet exemple, sont le chargement et le déchargement. Une heure après le chargement, quelquefois même avant, ces bêtes retrouvent un rythme cardiaque et un pouls normaux.

J’ai participé à certaines de ces études : des capteurs ont été placés sur les animaux, un petit laboratoire a été installé dans le camion et on est allé jusqu’à organiser un transport de trente-quatre heures ! On s’est rendu compte qu’après trois quarts d’heure les bovins retrouvaient un état tout à fait normal.

La durée du transport n’est donc pas un critère. Ce qui influe, c’est la formation des bouviers au moment du chargement, et plus encore du déchargement, c’est-à-dire à l’arrivée à l’abattoir, la formation des chauffeurs – on ne transporte pas des animaux comme on transporte des caisses à savon – et les conditions de transport.

Un certain nombre de points de désaccord font que je ne pourrai pas voter cette proposition de loi, qui contient des contre-vérités. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que nous arrivons au terme de l’examen de ce texte, puisque son vote est imminent, je tiens à remercier Mme la rapporteure du travail qu’elle a accompli.

Monsieur Gontard, je trouve vos propos assez désobligeants vis-à-vis de votre collègue Mme Benbassa comme de Mme la rapporteure : nous n’avons pas découvert le texte ce matin ! Peut-être n’étiez-vous pas présent dans cet hémicycle quand a démarré la discussion de ce texte : j’y ai pour ma part entendu des arguments qui avaient été développés lors des réunions de la commission à l’intention des commissaires de votre groupe.

Nous avons donc bien examiné ce texte en commission et des discussions ont eu lieu entre Mme Benbassa, auteure de cette proposition de loi, et Marie-Christine Chauvin, rapporteure de ce texte.

Nous avons étudié ce texte, mais, comme certains l’ont souligné, nous avons des désaccords de fond et nous pensons que, pour des raisons pratiques, il faut le rejeter. Ce n’est pas un parti pris idéologique : nous avons tous indiqué que nous partagions son objectif, qui est l’amélioration du bien-être animal, laquelle est différente, comme l’a souligné M. Duplomb, de la maltraitance animale – ce sont deux choses très différentes.

Nous sommes dans la même logique, mais nous considérons que les dispositifs qui nous ont été proposés ne correspondent pas à la situation des agriculteurs dans l’espace européen.

Concernant le sexage des poussins et des canetons, sur lequel des solutions sont en train d’être trouvées, nous ne pouvons que partager les intentions de Mme Benbassa.

Il faut donc être respectueux du travail qui a été accompli par Mme Benbassa, par votre groupe, mais aussi par la rapporteure et par l’ensemble de la commission des affaires économiques. On peut s’opposer, monsieur Gontard, mais vous ne pouvez pas dire que nous ne travaillons pas. J’avoue ne pas très bien le prendre ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 4.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 126 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 252
Pour l’adoption 33
Contre 219
Le Sénat n’a pas adopté.

Les articles de la proposition de loi ayant été successivement rejetés par le Sénat, je constate qu’un vote sur l’ensemble n’est pas nécessaire, puisqu’il n’y a plus de texte.

En conséquence, la proposition de loi n’est pas adoptée.

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