Élevage

Proposition de loi sénatoriale N°652 visant à étiqueter toute viande issue de l'abattage sans «étourdissement» préalable

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Proposition de loi

Abattage à vif Étiquetage Nationale

Justification de la note

Positif mais pas assez ambitieux.

N° 652
SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 30 mai 2023

PROPOSITION DE LOI

relative aux dérogations autorisant pour cause de rituel religieux l’égorgement sans étourdissement préalable des animaux de boucherie,

présentée
Par M. Jean Louis MASSON,
Sénateur

(Envoyée à la commission des affaires économiques, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

Proposition de loi relative aux dérogations autorisant pour cause de rituel religieux l’égorgement sans étourdissement préalable des animaux de boucherie

Article unique
Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° La section 1 du chapitre IV du titre Ier du livre II est complétée par un article L. 214-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 214-5-1. – Sauf urgence ou motif religieux, un animal de boucherie ne peut être abattu par égorgement que s’il a été préalablement plongé dans un état d’inconscience par étourdissement. » ;
2° La section 2 du chapitre IV du titre V du livre VI est complétée par un article L. 654-25 ainsi rédigé :
« Art. L. 654-25. – Lorsque l’animal a été mis à mort par égorgement rituel sans avoir été préalablement plongé dans un état d’inconscience, l’étiquetage des viandes et produits comprenant de la viande doit en informer le consommateur et indiquer la religion l’ayant justifié. Cette disposition s’applique aux viandes ou aux produits à emporter, à livrer ou à consommer sur place. »

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis 2015, l'article 515-14 du code civil reconnaît que « les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité ». Cependant, dans les faits, cette disposition n'est pas toujours suivie d'effet. L'association L214 a notamment levé le voile sur les véritables horreurs qui continuent à être commises dans certains abattoirs. Selon la présidente de l'Association en faveur de l'abattage des animaux dans la dignité (AFAAD) : « Les animaux de boucherie ont été les grands oubliés de la protection animale.... » (Républicain Lorrain du 20 novembre 2018).

L'article R. 214-70 du code rural et de la pêche maritime prescrit certes l'obligation d'étourdissement des animaux avant leur abattage. Toutefois, et indépendamment des infractions délibérées à la réglementation, des dérogations sont prévues dans trois cas : abattage rituel pour motif religieux, mise à mort du gibier d'élevage, nécessité d'une mise à mort en urgence.

Ces dérogations sont souvent critiquées. À juste titre, car l'égorgement à vif d'un gros bovin dure près de dix minutes avant la perte de conscience de l'animal qui se débat dans des sursauts désespérés. Une telle cruauté relève d'un autre âge. C'est pourquoi de nombreux pays européens sont en avance sur la France et interdisent totalement ces pratiques (Finlande, Grèce, Suisse, Danemark, Luxembourg, Pays-Bas, ...).

Un colloque « Vétérinaire, professionnel garant du bien-être animal » s'est ainsi tenu au Sénat le 24 novembre 2015. Au cours de celui-ci, l'Ordre national des vétérinaires français a clairement rappelé le principe selon lequel « tout animal abattu doit être privé de conscience d'une manière efficace, préalablement à son égorgement ». De son côté, la Fédération vétérinaire européenne (FVE) demande « l'étourdissement pour tous, quelles que soient les circonstances ».

L'abattage rituel avec égorgement à vif représente environ 95 % des dérogations à l'obligation d'étourdissement préalable. Le décret n° 2011-2006 en fixe les conditions mais deux questions se posent. La première concerne l'hypothétique légitimité de cette dérogation pour motif religieux. La seconde est liée tant aux abus de nombreux professionnels qui contournent la législation en présentant comme rituels des abattages réalisés par égorgement à vif, que pour des raisons de coût.

Le risque alimentaire mérite également une remarque. Pour des raisons de sécurité sanitaire, le règlement (CE) 853/2004 (annexe au chapitre IV intitulé « Hygiène de l'abattage ») indique que, sous réserve d'une éventuelle dérogation au titre de l'abattage rituel, « la trachée et l'oesophage doivent rester intacts lors de la saignée ». En effet, un animal ayant été étourdi au préalable est inerte, ce qui permet de procéder à une saignée très précise en sectionnant les veines jugulaires et les carotides. Au contraire, dans l'abattage rituel, l'animal se débat et, de ce fait, l'égorgement doit être très large, jusqu'aux vertèbres en sectionnant aussi la trachée et l'oesophage. Les reflux de l'oesophage créés lors des soubresauts de l'animal peuvent alors entraîner une contamination de la viande.

Abattage rituel et principe de laïcité

Selon une réponse ministérielle (question écrite n° 1383 ; J.O. Sénat du 28 septembre 2017), le respect du principe de laïcité et la liberté de culte justifient les dérogations pour abattage rituel. Il s'agit là d'une conception pour le moins curieuse de la laïcité.

En fait, la laïcité c'est la séparation stricte de l'État et de la religion. Ce n'est pas pour autant que la religion peut servir de prétexte pour se soustraire à la règle générale applicable à tous. Pour cause de rites religieux, les croyants concernés pourraient sinon justifier le retour à la polygamie ou l'application de la charia.

Le détournement du régime dérogatoire

Du point de vue économique, l'égorgement à vif des animaux de boucherie coûte moins cher qu'un abattage avec étourdissement préalable. Compte tenu des possibilités de dérogation, de nombreux industriels se sont donc engouffrés dans la brèche, au point que, selon diverses études, les deux tiers des animaux égorgés à vif n'étaient pas réellement consommés en tant que viande casher ou halal.

La revue « 60 millions de consommateurs » (hors-série de novembre 2018) indique que, selon un rapport, 40 % des abattages de bovins et 60 % des abattages d'ovins étaient effectués par égorgement à vif. Manifestement, cela confirme l'ampleur des abus car cela correspond à deux ou trois fois la viande réellement vendue comme casher ou halal.

La nécessaire information du consommateur

Dans de nombreux pays, les pratiques d'abattage rituel sont interdites et les milieux religieux concernés se sont adaptés sans difficulté à la réglementation. Une réflexion à moyen terme pourrait être engagée en ce sens en France. Toutefois, dans l'immédiat, il faut au moins que la réglementation évolue afin d'empêcher le recours abusif aux abattages dérogatoires. La solution consiste à organiser l'information des consommateurs en imposant l'étiquetage de la viande concernée.

En effet, si on admet que, pour des motifs religieux interprétés de manière rigide, les juifs et les musulmans doivent pouvoir consommer des animaux égorgés à vif, la réciproque doit également être vraie. Les personnes relevant d'autres religions et les personnes attachées au respect du bien-être animal ou à la sécurité alimentaire ne doivent pas être forcées de consommer à leur insu de la viande provenant d'animaux égorgés à vif et ayant subi des souffrances inutiles dans des conditions d'hygiène contraires aux normes en vigueur.

Pour des raisons purement financières, les milieux religieux concernés sont radicalement hostiles à un tel étiquetage. Ils considèrent que l'étiquetage ferait diminuer considérablement le nombre d'animaux égorgés au titre de la viande casher ou halal et que, faute de quantité suffisante, le coût de l'abattage rituel deviendrait alors trop onéreux.

Cet argument est stupéfiant. D'une part, parce que les intéressés reconnaissent ainsi qu'une proportion très importante de l'abattage rituel est pratiqué dans un but mercantile et non dans un but religieux. D'autre part, parce que cela revient à obliger les personnes respectueuses du bien- être animal à consommer à leur insu de la viande provenant d'animaux égorgés à vif afin de rentabiliser des pratiques auxquelles elles sont opposées.

La présente proposition de loi tend donc à imposer que la viande provenant d'animaux égorgés à vif au titre d'un abattage rituel dérogatoire soit obligatoirement étiquetée avec l'indication de la religion au titre de laquelle la dérogation a été accordée. De plus, la notification au consommateur devrait être faite non seulement dans les boucheries mais également dans les lieux de consommation (restaurants, cantines collectives, etc.).

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Crédits

Soumis par Thierry Lherm

Sources

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estiment que l'abattage sans étourdissement préalable est inacceptable quelles que soient les circonstances

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