N° 3252
_____
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUINZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale 27 juillet 2020.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
visant à lutter contre la mutilation des baleines en mer Méditerranée en abaissant la vitesse des navires dans les sanctuaires marins
,
présentée par Mesdames et Messieurs
Jean‑Christophe LAGARDE, Béatrice DESCAMPS, Christophe NAEGELEN, Pascal BRINDEAU, Agnès THILL, Sophie AUCONIE, Thierry BENOIT, Valérie SIX, Stéphane DEMILLY, Meyer HABIB,
députés.
– 1 –
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La Méditerranée est un trésor. C’est le véritable poumon de notre continent qui absorbe le CO2 et renouvelle notre oxygène. C’est le cœur de notre continent qui façonne tant de nos plus beaux paysages. C’est aussi un sanctuaire vivant, qui abrite des milliers d’espèces végétales et animales endémiques et certains de nos plus grands mammifères sur terre.
Ainsi, le rorqual commun, plus grande baleine grise du monde, a vu sa population méditerranéenne décimée pendant des siècles, chassée pour son huile qui permettait d’éclairer l’obscurité des longues nuits antérieures à la révolution industrielle, ainsi que pour sa graisse qui imperméabilisait le cuir ou les bois de construction.
Grâce à la science et au progrès technologique, l’Humanité a développé des produits de substitution qui ont permis d’enrayer l’effondrement démographique subi par ces populations de cétacés, dont la population mondiale a d’ailleurs doublé en à peine quarante ans.
Pour autant, la protection de ces grands mammifères requiert une attention et une vigilance sans faille : la quête permanente d’un développement économique qui dépende le moins possible des écosystèmes est un combat de tous les jours. Le rorqual commun n’est plus considéré comme une espèce en voie d’extinction sur la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), mais il reste profondément vulnérable.
À ce titre, les récents témoignages poignants du Fonds mondial pour la nature (WWF) en attestent : le cas absolument bouleversant de la baleine Flucker, mutilée par l’homme suite à de multiples collisions, dépérissant progressivement faute de pouvoir plonger et s’alimenter suffisamment en krill, doit servir d’électrochoc dans l’ensemble du pays pour modifier nos comportements.
Si le réchauffement climatique dû aux émissions de gaz à effet de serre est une menace absolument catastrophique pour les rorquals communs dont la reproduction est rendue possible par des conditions de température aquatique extrêmement précise, une autre menace à plus court terme doit être également combattue, celle des collisions avec les navires, responsable du sort tragique réservé à Flucker.
Les scientifiques, relayés par plusieurs organisations environnementales, conviennent que les collisions de navires avec des rorquals communs pourraient être très largement évitées en abaissant la vitesse des navires. Dans le sanctuaire de Pélagos où se concentre une importante population de baleines, le temps est venu d’abaisser la vitesse autorisée à 10 nœuds, soit environ 20 km/h, exactement comme les Canadiens l’ont mis en place pour protéger la baleine noire dans le détroit de Cabot, aux abords de Terre‑Neuve. Le gouvernement fédéral américain a également mis en place cette mesure sur l’ensemble de la côte est, après une expérimentation de cinq ans pendant laquelle aucune collision n’a été constatée.
Le sanctuaire de Pélagos est une zone maritime de 87 500 km² entre le nord de la Sardaigne, le sud de la Toscane et Hyères dans le Var, véritable trésor biologique qui fait l’objet de mesures de protection. Pour autant, cette zone concentre 30 % du trafic mondial des pétroliers et le trafic de ferrys a doublé en deux décennies, sans possibilité de réguler la vitesse de ces navires dans un objectif de préservation de la biodiversité.
Il y a urgence ! Aussi, la France doit prendre l’initiative de réunir les autorités italiennes et monégasques pour solliciter le classement du sanctuaire de Pélagos comme Zone maritime particulièrement vulnérable (ZMPV) par l’Organisation maritime internationale (OMI), ce qui permettrait de faire appliquer des mesures de réduction de la vitesse des navires.
En avril 2018, le Président de la République s’était félicité d’un accord international porté par la France pour abaisser la vitesse des navires du transport international. Les modalités de cet accord sont encore en cours de négociation au sein de l’OMI. Dans ce contexte, la France doit montrer la sincérité de son discours en montrant que la défense de l’environnement ne passe pas que par des mots.
Cette réduction de la vitesse des navires est un mal nécessaire pour garantir une cohabitation plus respectueuse de la nature entre l’homme et les cétacés. Pour autant, comme souvent en matière d’environnement, de climat et de biodiversité, notre salut passera par la science et la technologie. Ainsi, en matière de protection des baleines grises face au risque de collision, il est regrettable que le Gouvernement ne soutienne pas davantage le système de localisation automatique des cétacés développé par la société Quiet‑Océans en coopération avec WWF, permettant aux navires de repérer les baleines grâce à des « bouées intelligentes ». Nous devons accompagner et soutenir cette initiative remarquable, témoignage du génie scientifique, pour un déploiement le plus rapide possible.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Article unique
L’Assemblée nationale,
Vu l’article 34‑1 de la Constitution,
Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,
Considérant que la mer Méditerranée abrite des milliers d’espèces végétales et animales endémiques, de même que certains des plus grands mammifères sur terre ;
Considérant que le réchauffement climatique dû aux émissions de gaz à effet de serre constitue une menace absolument catastrophique pour de nombreuses espèces marines ;
Considérant que sur le court terme de nombreuses espèces, parmi lesquelles le rorqual commun, sont également menacées par des mutilations causées par leur collision avec des navires ;
Considérant la souffrance et la détresse qu’engendrent ces collisions et ces mutilations pour ces espèces ;
Considérant que cette menace pourrait être largement évitée en abaissant la vitesse des navires ;
Considérant le succès qu’a eu la baisse de la vitesse autorisée dans le détroit de Cabot et sur la côte est américaine pour protéger les baleines noires ;
Considérant que le sanctuaire de Pélagos, zone maritime de 87 500 km², constitue un véritable trésor biologique ;
Considérant que cette zone concentre également 30 % du trafic mondial des pétroliers et que le trafic de ferrys y a doublé en deux décennies ;
Considérant que la France est membre de l’Organisation maritime internationale ;
Invite le Gouvernement à œuvrer avec les autorités italiennes et monégasques afin que le sanctuaire de Pélagos soit classé comme Zone maritime particulièrement vulnérable par l’Organisation maritime internationale, permettant juridiquement d’abaisser la vitesse des navires au sein de la zone à dix nœuds.
Commentez directement sur leurs pages Facebook