Après l’article 46 ter
M. le président. La parole est à Mme Laurence Abeille, pour soutenir l’amendement no 994, portant article additionnel après l’article 46 ter.
Mme Laurence Abeille. Le présent amendement vise à interdire, à terme, les delphinariums en France, sujet très sensible dont il a été beaucoup question ces derniers temps.
L’espérance de vie des cétacés en captivité est beaucoup plus brève que dans la nature. Ils sont soumis au stress permanent dans des bassins en béton, remplis d’eau chlorée, trop exigus et sans végétation. Ces bassins ne sont évidemment pas adaptés à la physiologie et au comportement naturel de ces animaux.
Sachant que les naissances en captivité ne suffisent pas à compenser la mortalité, les dauphins doivent, bien souvent, être capturés en milieu sauvage. Ces captures ont des effets terribles sur les groupes de dauphins sauvages. Ces animaux très sociaux se voient ainsi amputés de l’un des leurs.
Un symbole de cette exploitation qui va totalement à l’encontre du bien-être animal est le syndrome de l’aileron flaccide, qui se caractérise par l’aspect mou et retombant de la nageoire dorsale. Ce syndrome concerne près de 100 % des orques captives alors qu’il est quasi inexistant chez les orques sauvages.
De plus, voir des animaux sauvages effectuer des acrobaties est loin d’aider à sensibiliser le public à la protection de la biodiversité. Il ne s’agit que de divertissement aux dépens d’animaux et non de préservation de la biodiversité. Il existe actuellement quatre delphinariums en France, dont trois en métropole.
J’insiste beaucoup sur cet amendement qui rencontre une adhésion importante au sein des associations et de la population. L’existence des delphinariums va à l’encontre de l’esprit qui préside à la préservation des animaux dans les zoos. Ces derniers ont beaucoup évolué. Le temps où les spectateurs venaient regarder des animaux enfermés dans des espaces exigus est presque révolu. On est passé aujourd’hui à un stade où les animaux, dont la plupart sont en voie de disparition, disposent de lieux de vie ou d’habitats suffisamment vastes pour y être bien traités et y vivre relativement bien.
En tout état de cause, il faut empêcher l’extension des delphinariums et, à terme, les interdire en laissant le temps aux acteurs du secteur, relativement peu nombreux, de s’organiser et de se réorienter en changeant d’activité. C’est le moment de le faire et un délai de trois ans après la promulgation de la loi a été prévu à cet effet.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Beaucoup de nos concitoyens ne se rendent pas compte de l’importance de la question des delphinariums. Car au-delà, il s’agit aussi de la capture des dauphins. Ce qui se pratique dans la baie de Taiji, au Japon, est insupportable comme en atteste le film The cove, dont les images sont insoutenables. Tout cela pour nous permettre, en Europe, d’exhiber des animaux extrêmement intelligents – qui vivent en groupe, dans des grands espaces – en train de réaliser des performances.
Je précise qu’en captivité, les dauphins vivent très peu longtemps, deviennent fous et ne peuvent assurer convenablement leur descendance. Nous devons nous emparer de ce problème très sensible si nous voulons vivre dans une société moderne et avancée, en limitant ces abus qui se font au détriment de ces animaux.
Je suis favorable à l’interdiction, à terme, des delphinariums. Néanmoins, je ne pense pas que cela passe par la loi. J’attends des de la part du Gouvernement des assurances quant au traitement rapide de ce problème. Il conviendrait de modifier l’arrêté du 11 juillet 2004 qui n’autorise pas la capture de dauphins dans les eaux européennes et certaines eaux internationales, mais qui autorise le Japon à le faire, dans les conditions sanguinaires que l’on sait, puis de les blanchir dans un pays tiers qui les accueille. Ensuite, la France les fait venir en dehors de toute réglementation. Cela n’est pas normal.
J’attends de M. le secrétaire d’État qu’il nous dise que ce problème va être étudié dans les jours qui viennent et comment il sera possible de modifier l’arrêté du 11 juillet 2004.
La commission a demandé le retrait de l’amendement, mais pour ma part, je me déterminerai en fonction des réponses du Gouvernement. Quoi qu’il en soit, mon vote sera sensé.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Actuellement, dans les établissements zoologiques, seule la détention de spécimens nés et élevés en captivité et dûment identifiés et accompagnés de documents prouvant leur origine captive peut être autorisée. La capture de cétacés dans le milieu naturel n’est d’ores et déjà pas autorisée en vue de la présentation au public de ces animaux.
Par ailleurs, le transport et l’importation des cétacés ne sont autorisés que dans le respect des exigences de la convention de Washington et du code de l’environnement.
Concernant, l’exhibition, c’est-à-dire la présentation au public, la directive du conseil du 29 mars 1999 relative à la détention d’animaux sauvages dans un environnement zoologique fixe des règles très exigeantes sur les conditions d’entretien de ces animaux.
Toutes ces règles sont applicables aux établissements détenant des mammifères marins. Les établissements doivent bénéficier en application de l’article L. 413-3 du code de l’environnement d’une autorisation préfectorale d’ouverture et, en leur sein, le responsable de l’entretien des animaux doit être titulaires d’un certificat de capacité délivré en application de l’article L. 413-2 du code de l’environnement.
Au titre de la protection de la nature, les établissements de présentation au public d’animaux de la faune sauvage doivent respecter des règles de fonctionnement très strictes afin de garantir des conditions de détention et d’entretien des animaux compatibles avec la biologie des animaux détenus.
Ainsi, à l’article 10 de l’arrêté du 25 mars 2004, fixant les règles générales de fonctionnement et les caractéristiques générales des installations des établissements zoologiques à caractère fixe et permanent présentant au public des spécimens vivants de la faune locale ou étrangère précise que les animaux doivent être entretenus dans des conditions d’élevage de haut niveau qui vient à satisfaire les besoins biologiques et de conservation, la santé et une large expression des comportements naturels en prévoyant notamment des aménagements et des équipements adaptés à la biologie de chaque espèce.
Considérant l’importance des interrogations exprimées sur l’adaptation de ce type d’activité à la biologie et aux exigences des cétacés, la ministre de l’écologie va engager un réexamen complet de la réglementation en informant les préfets de cette initiative.
En conséquence, le Gouvernement souhaite, compte tenu de ces engagements, le retrait de cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Abeille.
Mme Laurence Abeille. Je rappelle que plusieurs pays ont déjà interdit les delphinariums – le Chili et le Costa Rica en 2005, la Suisse en 2012 et l’Inde en 2013 – et qu’au sein de l’Union européenne, certains pays n’en possèdent aucun – l’Autriche, Chypre, la Croatie, l’Estonie, la Hongrie, l’Irlande, la Lettonie, le Luxembourg, la Pologne, la République tchèque, la Roumanie, le Royaume-Uni, la Slovaquie et la Slovénie. Chypre, la Slovénie et la Slovaquie ont en outre interdit la captivité des dauphins et il n’y a pas non plus de delphinarium au Brésil, en raison de l’introduction de normes strictes.
J’ai bien entendu vos arguments, monsieur le secrétaire d’État, mais je maintiendrai cet amendement.
J’ai également déposé un amendement no 1024, amendement de repli qui pourrait être adopté dès aujourd’hui. Il tend à préciser que « l’exhibition de cétacés en captivité tient compte des impératifs biologiques des espèces et est soumise au respect de règles en matière de qualité de l’eau et de la nourriture, de végétalisation et de dimensionnement des bassins, de bien-être des animaux », et que « ces règles sont définies par décret en Conseil d’État après avis du Conseil national de protection de la nature du Muséum d’histoire naturelle ». L’adoption de cet amendement nous permettrait d’avancer avant l’interdiction des delphinariums, vers laquelle nous nous dirigeons certainement.
M. le président. La parole est à M. Bertrand Pancher.
M. Bertrand Pancher. Je remercie Mme Abeille d’avoir déposé cet amendement, ainsi que Mme la rapporteure, qui s’est réellement engagée sur ce sujet. Nous nous étions récemment prononcés très clairement pour une fermeture de delphinariums tels qu’ils fonctionnent actuellement et ce sujet ne souffre aucune controverse. Les animaux vivent en effet moins longtemps, mettent parfois fin à leurs jours et se reproduisent moins bien qu’ailleurs. Tout cela n’est pas très sain. Ce n’est pas parce que les dauphins ou les orques ne parlent pas qu’il faut les exposer dans un tel état.
Vous nous dites, monsieur le secrétaire d’État, que Mme Ségolène Royal allait réfléchir. C’est bien, mais il serait nettement mieux de pouvoir matérialiser le travail qui sera réalisé et en mesurer les perspectives. Il est bon d’ouvrir ce débat, même si je suis un peu frustré par la réponse qui nous a été faite. Je soutiendrai donc l’amendement de Mme Abeille.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. J’ai bien entendu les arguments du Gouvernement, mais quand on est un homme ou une femme politique, au Gouvernement ou non, il est – pardonnez-moi, monsieur le secrétaire d’État – des erreurs à ne pas faire. Je ne peux pas accepter que l’on dise que, dans les delphinariums, on respecte la biologie des dauphins. Un dauphin vit dans la mer, dans de grands espaces : dans un delphinarium de quelques mètres carrés, les dauphins deviennent fous et se tuent. Or, ces animaux sont parmi les plus intelligents des mammifères marins.
En outre, vous le savez, ces cétacés ne sont pas nés en France : on les importe et on les blanchit dans des pays européens qui n’ont pas la même législation que la nôtre. Ceux, peu nombreux, qui sont nés dans des delphinariums vivent très peu de temps et, comme les autres, deviennent fous. Faut-il, au nom de je ne sais quels loisirs, accepter cela ?
Je souhaiterais donc que vous alliez plus loin dans vos propositions et que vous vous engagiez, monsieur le secrétaire d’État, à ce qu’une étude sérieuse et réelle de ce problème soit réalisée avant la deuxième lecture de ce texte, car on ne peut le laisser en l’état. Je vous invite, je le répète, à aller plus loin. La commission et mes collègues feront comme ils l’entendront, mais les réponses qui nous ont été fournies ne me paraissent pas satisfaisantes. Je voterai donc l’amendement.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Je serai donc encore plus précis : le Gouvernement a reconnu que ce débat était légitime et entend faire des propositions. J’ai en effet indiqué que la ministre souhaitait que la réglementation soit réexaminée d’ici à la seconde lecture du texte.
Afin que nous nous inscrivions dans une démarche commune, je précise verbalement que le Gouvernement s’engage à ce qu’aucune nouvelle autorisation d’ouverture ne soit donnée d’ici à ce débat. Nous donnerons des instructions aux préfets pour que, dans l’attente, toutes les procédures soient bloquées et qu’aucune nouvelle autorisation d’ouverture ne soit donnée.
Dès lors, il me semble que les amendements peuvent être retirés.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Compte tenu de la réponse du Gouvernement, si des propositions nous permettent de travailler sur ce sujet d’ici à la deuxième lecture du texte et si le Gouvernement donne des ordres pour qu’aucun delphinarium ne soit prévu, l’amendement me semble pouvoir être retiré.
Vous aurez cependant compris, monsieur le secrétaire d’État, que nous sommes très vigilants et que, lors de d’une deuxième lecture du texte, nous ne pourrons pas laisser passer le laxisme.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Abeille.
Mme Laurence Abeille. Je maintiens cet amendement, ainsi que l’amendement no 1024.
(L’amendement no 994 n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement no 1024 a déjà été défendu par Mme Abeille.
La commission et le Gouvernement se sont déjà exprimés.
(L’amendement no 1024 n’est pas adopté.)
Commentez directement sur leurs pages Facebook