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Proposition de loi

Nationale

Les filières d'élevage connaissent depuis quelques mois de très graves difficultés économiques qui ne font que s'accentuer
L'article 8 met fin à la sur-transposition de la directive européenne qui régit les installations classées pour la protection de l'environnement dans le domaine de l'élevage
L'article 9 allège les charges patronales des entreprises agricoles pour leurs salariés permanents.
L'article 10 allège également les charges supportées en début de carrière par les jeunes agriculteurs, en étendant d'une année, de cinq à six ans, l'exonération dont ils bénéficient aujourd'hui.
(extraits de l'Exposé des motifs)

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 16 octobre 2015

PROPOSITION DE LOI

en faveur de la compétitivité de l'agriculture et de la filière agroalimentaire,

PRÉSENTÉE

Par MM. Jean-Claude LENOIR, Jean BIZET, Albéric de MONTGOLFIER, Jean-Marie VANLERENBERGHE, Bruno RETAILLEAU, François ZOCCHETTO, Pascal ALLIZARD, Gérard BAILLY, Philippe BAS, Christophe BÉCHU, Jérôme BIGNON, Mme Annick BILLON, MM. Jean-Marie BOCKEL, François BONHOMME, Philippe BONNECARRÈRE, Mme Natacha BOUCHART, MM. Gilbert BOUCHET, François-Noël BUFFET, Olivier CADIC, François CALVET, Christian CAMBON, Mme Agnès CANAYER, MM. Michel CANEVET, Vincent CAPO-CANELLAS, Jean-Noël CARDOUX, Mme Caroline CAYEUX, MM. Gérard CÉSAR, Patrick CHAIZE, Pierre CHARON, Daniel CHASSEING, Alain CHATILLON, Olivier CIGOLOTTI, François COMMEINHES, Gérard CORNU, Philippe DALLIER, René DANESI, Mathieu DARNAUD, Serge DASSAULT, Mme Isabelle DEBRÉ, MM. Bernard DELCROS, Gérard DÉRIOT, Mmes Catherine DEROCHE, Jacky DEROMEDI, Marie-Hélène DES ESGAULX, Chantal DESEYNE, M. Yves DÉTRAIGNE, Mmes Catherine DI FOLCO, Élisabeth DOINEAU, MM. Éric DOLIGÉ, Daniel DUBOIS, Mme Marie-Annick DUCHÊNE, MM. Alain DUFAUT, Jean-Léonce DUPONT, Mme Nicole DURANTON, M. Jean-Paul EMORINE, Mme Dominique ESTROSI SASSONE, M. Hubert FALCO, Mme Françoise FÉRAT, MM. Michel FORISSIER, Alain FOUCHÉ, Bernard FOURNIER, Jean-Paul FOURNIER, Pierre FROGIER, Jean-Marc GABOUTY, Mme Françoise GATEL, MM. Jacques GAUTIER, Jacques GENEST, Bruno GILLES, Mmes Nathalie GOULET, Jacqueline GOURAULT, M. Alain GOURNAC, Mme Sylvie GOY-CHAVENT, MM. Jean-Pierre GRAND, Daniel GREMILLET, Jacques GROSPERRIN, Mme Pascale GRUNY, MM. Charles GUENÉ, Joël GUERRIAU, Loïc HERVÉ, Michel HOUEL, Alain HOUPERT, Mme Christiane HUMMEL, MM. Benoît HURÉ, Jean-François HUSSON, Mmes Corinne IMBERT, Sophie JOISSAINS, MM. Alain JOYANDET, Roger KAROUTCHI, Guy-Dominique KENNEL, Claude KERN, Marc LAMÉNIE, Mme Élisabeth LAMURE, MM. Jean-Jacques LASSERRE, Robert LAUFOAULU, Daniel LAURENT, Nuihau LAUREY, Antoine LEFÈVRE, Jacques LEGENDRE, Dominique de LEGGE, Jean-Pierre LELEUX, Jean-Baptiste LEMOYNE, Philippe LEROY, Mmes Valérie LÉTARD, Anne-Catherine LOISIER, MM. Jean-François LONGEOT, Gérard LONGUET, Mme Vivette LOPEZ, MM. Jean-Claude LUCHE, Michel MAGRAS, Claude MALHURET, Didier MANDELLI, Alain MARC, Hervé MARSEILLE, Patrick MASCLET, Hervé MAUREY, Jean-François MAYET, Pierre MÉDEVIELLE, Mmes Colette MÉLOT, Marie MERCIER, M. Michel MERCIER, Mme Brigitte MICOULEAU, M. Alain MILON, Mmes Patricia MORHET-RICHAUD, Catherine MORIN-DESAILLY, MM. Jean-Marie MORISSET, Philippe MOUILLER, Philippe NACHBAR, Christian NAMY, Louis NÈGRE, Louis-Jean de NICOLA·, Claude NOUGEIN, Philippe PAUL, Cyril PELLEVAT, Cédric PERRIN, Jackie PIERRE, François PILLET, Louis PINTON, Rémy POINTEREAU, Ladislas PONIATOWSKI, Hugues PORTELLI, Mme Sophie PRIMAS, MM. Henri de RAINCOURT, Michel RAISON, André REICHARDT, Charles REVET, Gérard ROCHE, René-Paul SAVARY, Michel SAVIN, Henri TANDONNET, André TRILLARD, Mme Catherine TROENDLÉ, MM. Michel VASPART, Alain VASSELLE, Hilarion VENDEGOU, Jean-Pierre VOGEL, Mme Anne CHAIN-LARCHÉ, MM. Vincent DELAHAYE et Bruno SIDO,

Sénateurs

(Envoyée à la commission des affaires économiques, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les filières d'élevage connaissent depuis quelques mois de très graves difficultés économiques qui ne font que s'accentuer et qui mettent en péril l'avenir même de la production agricole et d'un pan entier de notre industrie agroalimentaire.

L'embargo russe sur les produits alimentaires européens, mis en place en août 2014, la fin des quotas laitiers en avril 2015, et plus largement le ralentissement de la demande mondiale de produits laitiers et de viande, ont contribué à un repli très important des prix sur les marchés.

En réalité, ces difficultés conjoncturelles masquent une faiblesse structurelle des filières d'élevage : face à une concurrence féroce qui provient autant sinon plus des autres États membres de l'Union européenne que des pays tiers, l'agriculture française doit s'adapter et gagner en compétitivité.

Le déclin continu de l'excédent commercial hors vins et spiritueux de notre balance commerciale des produits agricoles et agroalimentaires, est le symptôme le plus tangible de ce défaut de compétitivité.

Au-delà du maillon de la production agricole, c'est toute la filière de l'élevage, du producteur au consommateur, en passant par le maillon essentiel de la transformation par l'industrie agroalimentaire, qui doit inventer une stratégie gagnante pour faire face à la volatilité des marchés et pour retrouver une solidité largement perdue.

La loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt du 13 octobre 2014 était guidée par le souci de développer l'agro-écologie, mais est restée largement insuffisante pour donner aux agriculteurs et aux acteurs des filières alimentaires, les instruments pour se battre dans la compétition mondiale.

Lors de la mise en place de la nouvelle politique agricole commune (PAC), le Gouvernement a fait le choix de réorienter les crédits européens en faveur de l'élevage. Les mesures prises ne pourront à elles seules sauver la filière, qui a besoin de prix rémunérateurs plutôt que de primes.

L'avenir de nombreux territoires ruraux est largement dépendant des productions animales : les unités de transformation - abattoirs, ateliers de découpe, laiteries - constituent des viviers d'emplois et assurent un maillage économique indispensable, générant de nombreuses activités induites et emplois induits.

Les manifestations d'agriculteurs depuis le printemps 2015 expriment une colère du monde paysan qui n'est pas un mouvement d'humeur passager, mais plutôt un cri de désespoir face à l'absence de perspectives et de vision pour l'avenir de l'élevage. Le fait que les plus performants, les jeunes, les agriculteurs qui ont fait le choix d'investir pour moderniser leur outil de production soient parfois les plus en difficulté est extrêmement inquiétant.

Le Sénat n'est pas resté spectateur de la crise agricole : le 16 juillet dernier, à l'initiative de son président, M. Gérard LARCHER, une conférence agricole consacrée aux filières porcine, bovine et laitière, s'est tenue au Palais du Luxembourg en présence des représentants de la profession agricole, de distributeurs et de transformateurs. Elle a permis, sinon de dégager des solutions évidentes et immédiates, du moins de faire le constat commun de la gravité de la crise traversée par ces filières.

Une partie des réponses se situe au niveau européen : une PAC plus protectrice des agriculteurs, simplifiée et allégeant les contraintes qui pèsent sur eux, est aujourd'hui nécessaire. La mise en place d'aides contracycliques, le renforcement de l'efficacité des filets de sécurité contenus au sein de l'organisation commune des marchés, le développement des dispositifs assurantiels couvrant tant les risques climatiques que les aléas économiques, sont des revendications qui devront être prises en compte dans le processus d'adaptation permanente que connaît la PAC, sans remettre en cause radicalement l'orientation vers le marché prise depuis 1992. Mais un équilibre nouveau doit être trouvé, faute de quoi la PAC devient un accélérateur et non un amortisseur de crises. Le Sénat a reçu le 8 octobre dernier le commissaire européen chargé de l'agriculture, M. Phil HOGAN, pour rappeler cette préoccupation des Sénateurs, et engager le dialogue avec les autorités européennes pour faire évoluer la PAC.

Certaines réponses à la crise agricole ne relèvent pas de la loi et du législateur national. Ainsi, sur le plan budgétaire, le développement des mécanismes financiers visant à sécuriser le revenu des agriculteurs en cas de crise, nécessite des décisions impliquant probablement des transferts d'enveloppe du premier vers le deuxième pilier de la PAC, ainsi que des cofinancements nationaux plus importants que ceux qui existent aujourd'hui pour soutenir l'assurance-récolte.

Sur le plan juridique, le droit de la concurrence doit non seulement permettre le fonctionnement harmonieux du marché unique mais doit être aussi un moyen de défendre et promouvoir la compétitivité des entreprises européennes du secteur de l'agroalimentaire. Une approche trop étroite des contrôles des concentrations, par référence à une conception dépassée du marché pertinent, peut parfois conduire à empêcher des regroupements qui seraient pourtant stratégiques à l'échelle de la compétition européenne et mondiale.

Si la mise en place de moyens nouveaux pour favoriser les investissements en agriculture est hautement nécessaire pour gagner en compétitivité, la présente proposition de loi ne peut pas en décider : une telle initiative se heurterait aux irrecevabilités financières de l'article 40 de la Constitution. Par ailleurs, il existe déjà des outils en faveur de l'investissement, qu'il conviendrait de réorienter en faveur de l'investissement en agriculture : en élargissant les conditions d'intervention du fonds européen pour les investissements stratégiques (EFSI) mis en place dans le cadre du Plan JUNCKER, ou encore en créant, dans le cadre des interprofessions, des fonds financés directement par les professionnels à travers les contributions volontaires obligatoires (CVO). Le Sénat doit être particulièrement attentif à la mise en place de moyens nouveaux pour soutenir l'investissement tant dans l'agriculture que dans le secteur agro-industriel.

Certaines réponses se situent donc ailleurs qu'au Parlement. Mais cela ne doit pas conduire au renoncement, bien au contraire, car la loi doit encourager la compétitivité de l'agriculture et de l'agroalimentaire, à travers de meilleures règles du jeu entre acteurs des filières agricoles et alimentaires, en facilitant l'investissement et la gestion des risques dans les exploitations agricoles ou encore à travers l'allègement des contraintes qui pèsent sur nos producteurs.

Tels sont les objectifs des auteurs de la présente proposition de loi, qui a pour ambition de permettre à la France de reprendre son rang de première agriculture européenne. Notre pays dispose pour cela de beaucoup d'atouts : un vaste territoire agricole, un climat favorable, un savoir-faire agricole de premier plan avec un niveau de formation de ses agriculteurs qui n'a cessé de progresser et des instituts de recherche qui constituent des références au plan mondial. Mais ces atouts seraient gâchés s'ils ne pouvaient être mis au service d'une économie agricole insuffisamment performante.

Les dispositions de la présente proposition de loi ont fait l'objet d'une concertation en amont de son dépôt avec les professionnels concernés, et seront transmises à la commission européenne, car elles doivent être mises en oeuvre dans un cadre juridique sécurisé.

La présente proposition de loi comprend quatre chapitres :

Le chapitre Ier vise à améliorer la transparence et mieux partager la valeur ajoutée tout au long de la chaîne d'approvisionnement alimentaire, du producteur au consommateur. Les conflits de répartition des marges minent en effet les filières, et la course aux prix bas longtemps entretenue par la grande distribution affaiblit l'ensemble des maillons de la chaîne. Il convient que les différents acteurs, sans tomber dans les mécanismes d'entente ou de cartel prohibés par le droit de la concurrence, puissent néanmoins définir des stratégies communes.

L'article 1er améliore le dispositif concernant la contractualisation, en demandant que les clauses de détermination des prix prennent en compte les coûts de production des agriculteurs et fassent référence à des indices publics de prix ou aux travaux de l'observatoire des prix et des marges. La rédaction retenue s'inspire de celle retenue à l'article L. 441-8 du code de commerce par la loi relative à la consommation de 2014. Cet article vise à favoriser un nouvel équilibre entre producteurs et leurs acheteurs dans le cadre de leur relation contractuelle.

L'article 2 instaure un rendez-vous annuel de l'ensemble des acteurs des filières agricoles, destiné à définir des stratégies communes. Il s'agit également d'éviter les guerres de prix, destructrices pour les filières agricoles. Ce rendez-vous annuel permet aux représentants des différents maillons de la filière de se rencontrer pour mettre en oeuvre ces stratégies de filières. Il s'agit de s'orienter vers des mécanismes de formation plus coopérative des prix, plutôt que de s'enfermer dans une formation conflictuelle de ceux-ci.

L'article 3 tire les conséquences de l'impossibilité, faute d'accord européen pour modifier le règlement relatif à l'information du consommateur, d'imposer sur les produits transformés un étiquetage de l'origine des viandes. Le consommateur devant cependant être informé, s'il le souhaite, de la consistance des produits qu'il achète et ne pouvant, faute de personnel dans les rayons de la grande distribution, obtenir ces informations directement à l'occasion de l'achat, aura la possibilité de demander a posteriori au distributeur ou au fabricant l'origine des viandes contenues dans les produits transformés qu'il achète. Cette obligation de transparence s'applique aussi aux produits laitiers. Les modalités de cette information sont renvoyées au niveau réglementaire.

Le chapitre II a pour objectif de faciliter l'investissement et la gestion des risques financiers en agriculture.

L'article 4 permet à tout agriculteur dans un secteur en crise ayant souscrit des emprunts pour financer ses investissements, de reporter le paiement de ses échéances, dans une limite n'excédant pas 20 % de la durée du prêt restant à courir. Il s'agit de donner ici une souplesse permettant de faire face aux variations des conditions de marché rencontrées par les agriculteurs : les prêts non modulables ne constituent pas une réponse pertinente face à la volatilité des prix agricoles. Il convient par ailleurs de disposer d'un instrument juridique de modulation des prêts au moment où ils sont conclus, plutôt que de solliciter les pouvoirs publics en urgence, en pleine crise, pour obtenir l'accord des banques sur une « année blanche » pour les prêts en cours. Bref, il s'agit de prévenir plutôt que de guérir.

L'article 5 crée le « livret vert », sur le modèle du « livret de développement durable », afin de drainer l'épargne populaire vers l'agriculture. Les fonds collectés pourront ainsi gager des prêts à l'investissement dans le secteur agricole et agroalimentaire.

L'article 6 rend éligible à la déduction pour investissements (DPI) les travaux de construction ou de rénovation des bâtiments d'élevage. Il transforme la déduction pour aléas (DPA), dont la diffusion est aujourd'hui insatisfaisante1(*), en une « réserve spéciale d'exploitation agricole » (RSEA), véritable instrument fiscal d'amortissement des aléas du marché, qu'ils aient ou non une origine climatique. L'obligation d'affecter une partie des sommes à un compte spécifique est maintenue. Les conditions d'utilisation de la DPA sont élargies : la RSEA doit pouvoir être utilisée lorsque le chiffre d'affaires baisse de plus de 15 %, quelle que soit la cause de la baisse. Enfin, le plafond de déduction prend en compte la taille des entreprises agricoles, afin de ne pas pénaliser leur développement.

L'article 7 rend les bâtiments de stockage éligible à la déduction exceptionnelle en faveur de l'investissement, prévue par l'article 142 de la « loi Macron »2(*). Ce texte permet en effet aux entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés ou à l'impôt sur le revenu selon le régime réel d'imposition de déduire de leur résultat imposable une somme égale à 40 % de la valeur d'origine de biens limitativement énumérés. Le champ de ce dispositif est précisé par une instruction fiscale du 2 septembre 20153(*). Le dispositif est assez limitatif puisqu'il concerne le matériel utilisé pour des opérations industrielles de fabrication, de transformation et de manutention; installations d'épuration des eaux, d'assainissement de l'atmosphère et de production d'énergie à l'exception des installations servant à produire une énergie électrique bénéficiant de l'application d'un tarif réglementé d'achat de la production et aux matériels pour des opérations de recherche. Il concerne d'ores et déjà les agriculteurs au titre de divers biens agricoles4(*). Mais il exclut les biens de nature immobilière et les matériels de magasinage et de stockage. Il s'agit donc d'élargir le champ de cette déduction exceptionnelle en faveur de l'investissement aux bâtiments de stockage et aux matériels y afférant, pour les investissements qui seront réalisés sur l'année 2016. En effet, dans un contexte de forte volatilité des prix, il est important d'encourager les capacités de stockage, ce qui aura pour effet de stabiliser le revenu des exploitants agricoles.

Le chapitre III vise à alléger les charges de toute nature qui pèsent sur la compétitivité des entreprises agricoles.

L'article 8 met fin à la sur-transposition de la directive européenne qui régit les installations classées pour la protection de l'environnement dans le domaine de l'élevage : le code de l'environnement est complété pour ne soumettre à la procédure d'autorisation que les installations d'élevage qui doivent faire l'objet d'une autorisation en vertu du droit européen.

L'article 9 allège les charges patronales des entreprises agricoles pour leurs salariés permanents. Le dispositif proposé est proche de celui adopté en loi de finances pour 2012, dont le coût pour les finances publiques avait alors été évalué à un peu plus de 200 millions d'euros, mais qui n'avait jamais été appliqué, et qui a été abrogé par l'ordonnance n° 2015-1248 du 7 octobre 2015. Or, le coût du travail en agriculture constitue un frein à la compétitivité, en particulier par rapport aux concurrents européens des agriculteurs français. Une telle disposition d'allègement dégressif des charges patronales jusqu'à 1,5 fois le salaire minimum doit être mise en oeuvre sans plus tarder, pour retrouver des marges de manoeuvre face à nos concurrents européens.

L'article 10 allège également les charges supportées en début de carrière par les jeunes agriculteurs, en étendant d'une année, de cinq à six ans, l'exonération dont ils bénéficient aujourd'hui.

L'article 11 permet exceptionnellement aux agriculteurs imposés pour les revenus 2015 au régime réel, qui ont opté pour un calcul de l'impôt à la moyenne triennale, de révoquer l'option, afin de ne pas être imposés lourdement, au moment même où leurs revenus s'effondrent.

L'article 12 prévoit la présentation chaque année devant le Conseil supérieur d'orientation et de coordination de l'économie agricole et alimentaire (CSO) d'un plan de simplification de la vie des entreprises agricoles, afin de faire de la simplification un objectif politique vérifiable par les représentants du monde agricole au sein du CSO. Ce plan devra être rendu public.

Le chapitre IV contient un seul article, l'article 13, qui gage les pertes de recettes pour l'État et les organismes de sécurité sociale résultant des différentes dispositions de la proposition de loi, par un relèvement de la taxe sur la valeur ajoutée et de la contribution sociale généralisée.

PROPOSITION DE LOI

CHAPITRE IER

Des relations plus justes et transparentes, du producteur au consommateur

Article 1er

À la première phrase du quatrième alinéa du I de l'article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime, après les mots : « modalités de détermination du prix », sont insérés les mots : « qui prennent en compte les coûts de production et font référence à un ou plusieurs indices publics des prix des produits agricoles ou alimentaires, pouvant être établis par accords interprofessionnels ou par l'observatoire de la formation des prix et des marges, ».

Article 2

Dans les secteurs et selon des modalités définis par décret, les producteurs agricoles, les industriels utilisant des produits agricoles dans leur processus de production et les distributeurs engagent, avant le 31 décembre de chaque année, une négociation sur les modalités de détermination des prix mentionnées au quatrième alinéa du I de l'article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime et sur les perspectives de développement des ventes et de mise en valeur des productions.

Article 3

Le chapitre II du titre Ier du livre Ier du code de la consommation est complété par un article L. 112-13 ainsi rédigé :

« Art. L. 112-13. - Les distributeurs et les fabricants de produits alimentaires contenant des produits carnés et laitiers indiquent à tout consommateur qui en fait la demande, dans un délai n'excédant pas un mois, l'origine de ces produits.

« Les modalités d'application du premier alinéa sont définies par décret.

« Lorsque l'indication de l'origine fait l'objet d'un étiquetage lors de la vente, l'obligation d'information du consommateur figurant au même premier alinéa est réputé satisfaite. »

CHAPITRE II

Faciliter l'investissement et mieux gérer les risques financiers en agriculture

Article 4

Par exception à l'article 1244 du code civil, tout exploitant agricole ayant souscrit un emprunt affecté exclusivement au financement de l'acquisition de matériel d'exploitation ou de cheptel, dont la moitié au moins du chiffre d'affaires est réalisé dans un secteur déclaré en crise par arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture et des finances, peut reporter le paiement de sa dette pour une durée maximale qui ne peut excéder un cinquième de la durée du prêt restant à courir à la date de la demande. Le paiement des intérêts reste dû durant l'ensemble de la période d'exécution du prêt.

Article 5

Le code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° Après la section 4 du chapitre Ier du titre II du livre II, il est inséré une section 4 bis ainsi rédigée :

« Section 4 bis

« Le livret vert

« Art. L. 221-28. - Le livret vert est ouvert par les personnes physiques ayant leur domicile fiscal en France dans les établissements et organismes autorisés à recevoir des dépôts.

« Les versements effectués sur un livret vert ne peuvent porter le montant inscrit sur le livret au-delà d'un plafond fixé par voie réglementaire.

« Il ne peut être ouvert qu'un livret par contribuable ou un livret pour chacun des époux ou partenaires liés par un pacte civil de solidarité, soumis à une imposition commune.

« Les modalités d'ouverture et de fonctionnement du livret vert, ainsi que la liste des investissements dans le secteur agricole et agroalimentaire auxquels sont affectées les sommes déposées sur ce livret, sont fixées par voie réglementaire.

« Les opérations relatives au livret vert sont soumises au contrôle sur pièces et sur place de l'inspection générale des finances. »

Article 6

Le code général des impôts est ainsi modifié :

1° Après le 1° de l'article 72 D, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :

« 1° bis La construction ou la rénovation de bâtiments d'élevage ; »

2° L'article 72 D bis est ainsi rédigé :

« Art. 72 D bis. - I. - Les exploitants agricoles soumis à un régime réel d'imposition peuvent constituer une réserve spéciale d'exploitation agricole dans les limites et conditions prévues à l'article 72 D ter.

« Dans les six mois de la clôture de l'exercice et au plus tard à la date de dépôt de déclaration des résultats se rapportant à l'exercice au titre duquel la réserve spéciale d'exploitation agricole est dotée, l'exploitant inscrit à un compte d'affectation ouvert auprès d'un établissement de crédit une somme égale à 50 % du montant de la réserve. L'épargne professionnelle ainsi constituée doit être inscrite à l'actif du bilan de l'exploitation. Les intérêts produits par cette épargne professionnelle et qui sont capitalisés dans le compte d'affectation ne sont pas soumis à l'impôt.

« La condition d'inscription au compte d'affectation mentionné au deuxième alinéa est réputée respectée à due concurrence de l'accroissement du stock de fourrages destiné à être consommé par les animaux de l'exploitation par rapport à la valeur moyenne du stock en fin d'exercice calculée sur les trois exercices précédents. En cas de vente de ces stocks de fourrage lors des sept exercices suivant celui de la constitution de la réserve, le produit de la vente doit être inscrit au compte d'affectation dans la limite du montant ayant été dispensé de l'inscription au compte d'affectation.

« La réserve spéciale d'exploitation agricole est utilisée au cours des sept exercices qui suivent celui de sa constitution pour le règlement de toute dépense, lorsque la valeur ajoutée de l'exercice, réalisée dans des conditions comparables à celles de l'année précédente, a baissé de plus de 15 % par rapport à la moyenne des valeurs ajoutées des trois exercices précédents. La valeur ajoutée s'entend de la différence entre, d'une part, la somme hors taxes, des ventes, des variations d'inventaire, de la production immobilisée et autoconsommée et des indemnités et subventions d'exploitation et, d'autre part, la somme hors taxes et sous déduction des transferts de charges d'exploitation affectés, du coût d'achat des marchandises vendues et de la consommation de l'exercice en provenance de tiers. Les intérêts capitalisés dans le compte d'affectation sont utilisés dans les mêmes conditions.

« Les sommes ainsi utilisées sont rapportées au résultat de l'exercice au cours duquel leur utilisation est intervenue.

« Lorsque ces sommes ne sont pas utilisées au cours des sept exercices qui suivent celui au titre duquel la déduction a été pratiquée, elles sont rapportées aux résultats du septième exercice suivant celui au titre duquel la déduction a été pratiquée.

« II. - L'apport d'une exploitation individuelle, dans les conditions mentionnées au I de l'article 151 octies, à une société civile agricole par un exploitant agricole qui a constitué une réserve spéciale d'exploitation agricole au titre d'un exercice précédant celui de l'apport n'est pas considéré pour l'application du I du présent article comme une cessation d'activité si la société bénéficiaire de l'apport en remplit les conditions et s'engage à utiliser la réserve au cours des sept exercices qui suivent celui au titre duquel la déduction correspondante a été pratiquée.

« III. - La transmission à titre gratuit d'une exploitation individuelle dans les conditions prévues à l'article 41 du présent code par un exploitant agricole qui a constitué une réserve spéciale d'exploitation agricole au titre d'un exercice précédant celui de la transmission n'est pas considérée pour l'application du I comme une cessation d'activité si le ou les bénéficiaires de la transmission remplissent les conditions ouvrant droit à la constitution de la réserve et s'engagent à utiliser celle-ci au cours des sept exercices qui suivent celui au titre duquel elle a été constituée dans les conditions et les limites définies au même I. » ;

2° L'article 72 D ter est ainsi rédigé :

« Art. 72 D ter. - I. - Dans la limite du bénéfice, les déductions prévues aux articles 72 D et 72 D bis sont plafonnées à un montant global fixé, par exercice de douze mois, à 27 000 €.

« Lorsque le chiffre d'affaires excède 200 000 € hors taxes, l'exploitant peut pratiquer un complément de réserve spéciale d'exploitation agricole, dans les conditions prévues à l'article 72 D bis et dans la limite du bénéfice, jusqu'à un montant de 5 % du chiffre d'affaires hors taxe au-delà de 200 000 €.

« Pour les exploitations agricoles à responsabilité limitée qui n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, les montants mentionnés aux deux premiers alinéas du présent article sont multipliés par le nombre des associés exploitants, dans la limite de quatre.

« II. - Les déductions mentionnées au I du présent article sont pratiquées après application des abattements prévus aux articles 44 quaterdecies et 73 B. »

Article 7

L'article 39 decies du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La déduction prévue au premier alinéa est applicable, par dérogation, aux bâtiments et installations de magasinage et de stockage de produits agricoles dont la construction ou rénovation a été engagée entre le 1er janvier et le 31 décembre 2016 et aux matériels y afférents acquis durant la même période. »

CHAPITRE III

Alléger les charges qui pèsent sur les entreprises agricoles

Article 8

Le chapitre Ier du titre Ier du livre V est complété par un article L. 511-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 511-3. - Les installations d'élevage mentionnées au présent titre sont soumises à la procédure de déclaration mentionnée à la section 3 du chapitre II du même titre.

« Toutefois, les installations mentionnées à l'annexe I de la directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil, du 24 novembre 2010, relative aux émissions industrielles, sont soumises à la procédure d'autorisation mentionnée à la section 1 du chapitre II du présent titre. »

Article 9

I. - Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° L'article L. 741-15-1 est ainsi rétabli :

« Art. L. 741-15-1. - I. - Les employeurs relevant du régime de protection sociale des professions agricoles sont exonérés du paiement de la part patronale des cotisations et contributions mentionnées au II du présent article dans la limite de vingt salariés agricoles employés en contrat à durée indéterminée par entreprise.

« Pour les employeurs appartenant à un groupe tenu de constituer un comité de groupe en application du I de l'article L. 2331-1 du code du travail, la limite de vingt salariés s'apprécie au niveau du groupe.

« II. - Les cotisations exonérées en application du I du présent article sont les suivantes :

« 1° La cotisation due au titre du fonctionnement du service de santé et de sécurité au travail prévue au deuxième alinéa de l'article L. 717-2 ;

« 2° La cotisation de la retraite complémentaire obligatoire des salariés versée aux institutions de retraite complémentaire mentionnées au I de l'article L. 727-2 ;

« 3° La cotisation versée à l'Association pour la gestion du fonds de financement rendue obligatoire, en application des articles L. 911-3 et L. 911-4 du code de la sécurité sociale, par l'arrêté du 14 mars 2011 portant extension et élargissement de l'accord national interprofessionnel du 25 novembre 2010 portant prorogation de l'accord du 23 mars 2009 sur les régimes complémentaires de retraite AGIRC et ARRCO ;

« 4° La cotisation due au titre de l'assurance contre le risque de non-paiement des salaires prévue à l'article L. 3253-18 du code du travail ;

« 5° La contribution due au titre de l'assurance chômage prévue à l'article L. 5422-9 du même code ;

« 6° La participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue prévue à l'article L. 6331-1 dudit code ;

« 7° La cotisation versée à l'Association nationale pour l'emploi et la formation en agriculture rendue obligatoire, en application de l'article L. 2261-15 du même code, par l'arrêté du 15 septembre 2006 portant extension d'un avenant à l'accord collectif national de travail sur l'emploi dans les exploitations et entreprises agricoles ;

« 8° La cotisation versée au conseil des études, recherches et prospectives pour la gestion prévisionnelle des emplois en agriculture et son développement, dénommé "PROVEA", rendue obligatoire, en application du même article L. 2261-15, par l'arrêté du 28 octobre 2002 portant extension d'un accord collectif national de travail sur les saisonniers, sur diverses dispositions sur les contrats à durée déterminée et sur l'organisation de la gestion prévisionnelle de l'emploi en agriculture ;

« 9° La cotisation versée à l'Association nationale paritaire pour le financement de la négociation collective en agriculture rendue obligatoire, en application dudit article L. 2261-15, par l'arrêté du 26 mars 1992 portant extension d'un accord national relatif à l'organisation de la négociation collective en agriculture.

« III. - L'exonération mentionnée au I du présent article est calculée chaque année civile pour chaque salarié dans la limite d'effectifs mentionnée au même I. Son montant est égal au produit de la rémunération annuelle, telle que définie à l'article L. 741-10 du présent code, par un coefficient. Ce coefficient est déterminé par application d'une formule fixée par décret. Il est fonction du rapport entre la rémunération du salarié et le salaire minimum de croissance, lesquels sont appréciés selon les modalités prévues au III de l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale. Ce coefficient est maximal pour les rémunérations inférieures ou égales au salaire minimum interprofessionnel de croissance majoré de 10 %. Il est dégressif à compter de ce niveau de rémunération puis devient nul pour les rémunérations égales au salaire minimum interprofessionnel de croissance majoré de 50 %.

« IV. - Cette exonération est cumulable avec le bénéfice de la réduction dégressive de cotisations prévue au même article L. 241-13 ainsi qu'avec la déduction forfaitaire prévue à l'article L. 241-18 du même code.

« V. - Les conditions d'application du présent article sont fixées par décret. »

II. - Le premier alinéa du VI de l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale est complété par les mots : « et avec l'exonération prévue à l'article L. 741-15-1 du code rural et de la pêche maritime ».

Article 10

À la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 731-13 du code rural et de la pêche maritime, les mots : « cinq années » sont remplacés par les mots : « six années ».

Article 11

Les contribuables titulaires de bénéfices agricoles soumis à un régime réel d'imposition qui ont opté pour le calcul des bénéfices agricoles selon les modalités prévues à l'article 75-0 B du code général des impôts peuvent renoncer à l'option au titre de l'exercice 2015 et des exercices suivants.

Cette renonciation est déclarée par les contribuables concernés avant le 30 mars 2016.

La dernière phrase du deuxième alinéa de l'article 75-0 B du code général des impôts est applicable en cas de renonciation.

Article 12

Avant le dernier alinéa de l'article L. 611-1 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le conseil adopte chaque année un plan de simplification des normes applicables aux filières agricole et agro-alimentaire. Le plan adopté par le conseil est rendu public. »

CHAPITRE IV

Dispositions finales

Article 13

La perte de recettes résultant pour l'État et les organismes de sécurité sociale des chapitres I à III de la présente loi est compensée à due concurrence par la majoration du taux de la taxe sur la valeur ajoutée mentionné à l'article 278 du code général des impôts et des taux des contributions sociales mentionnés à l'article L. 136-8 du code de la sécurité sociale.

* 1 En témoigne la faiblesse de la dépense fiscale correspondante, estimée à seulement 39 millions d'euros en 2014 et non chiffrée pour 2015 et 2016 dans les documents budgétaires accompagnant le projet de loi de finances pour 2016.

* 2 Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.

* 3 http://bofip.impots.gouv.fr/bofip/10079-PGP.html

* 4 Tracteurs, moissonneuses batteuses, ensileuses, machines à vendanger, chargeurs télescopiques, épandeurs, semoirs, pulvérisateurs, matériels pour travail du sol, installations d'irrigation et de drainage (hors immobilier), cuves de vinification, robots de traite et, enfin, certaines installations d'épuration des eaux, cuves et poches destinées au recueil des effluents d'élevage.

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Attentes citoyennes

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Menus végé
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des Français
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estiment que le « bien-être » des animaux de ferme n'est pas assuré aujourd'hui en France

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